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MATURIN CHARLES ROBERT (1782-1824)

Personnage qui séduit les surréalistes par son extravagance : danseur, dandy, allant à la pêche en bas de soie ou portant une hostie rouge au front pour signaler qu'il se livre à la composition littéraire, Maturin débute pourtant dans la carrière ecclésiastique après de sérieuses études à Dublin, puis à Trinity College. D'impérieux besoins d'argent le poussent à écrire pour le théâtre, et sa première pièce, Bertram (1816), avec ses mariages forcés, ses fausses reconnaissances, ses naufrages et ses assassinats, connaît un vif succès. Mais c'est dans le roman qu'il va vraiment se distinguer, et Melmoth ou l'Homme errant (Melmoth the Wanderer, 1820) assure sa réputation jusqu'à nos jours. Son héros, qui tient à la fois de Faust, de Méphistophélès et du Juif errant, signe un pacte avec le diable, puis parcourt le monde à la recherche de quelqu'un qui veuille prendre sa place de maudit. Cinq aventures imbriquées les unes dans les autres, sans compter les récits intercalés, répètent telles des miroirs la quête inlassable du héros. À peine esquissée au début du roman, la silhouette de Melmoth se précise peu à peu, et ses crimes variés fascinent à chaque fois le lecteur. Cette construction en boîtes chinoises multiplie les narrateurs et permet à Maturin de friser l'hérésie : pour lui, toutes les institutions humaines, toutes les classes, toutes les sectes contribuent à pervertir la religion et à en faire un instrument de tyrannie sadique. Chacun des épisodes illustre cette idée. Maturin utilise toute la « machinerie » des romans dits « frénétiques » (les scènes de torture, les enlèvements au clair de lune), mais il le fait avec lyrisme et génie. Si Melmoth est un héros du mal, un héros maudit dans la tradition romantique, sa solitude, sa grandeur tragique et son désespoir en font déjà un héros moderne.

— Ann Daphné GRIEVE

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Ann Daphné GRIEVE. MATURIN CHARLES ROBERT (1782-1824) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GOTHIQUE LITTÉRATURE & CINÉMA

    • Écrit par Gilles MENEGALDO
    • 6 313 mots
    • 5 médias
    ...célèbre, de la « nonne sanglante ». Ce roman « frénétique » a séduit les surréalistes français et Antonin Artaud qui en a donné en 1931 sa propre version. Dans Melmoth (1820), le pasteur protestant C. R. Maturin revisite le mythe du Juif errant avec son héros rebelle au regard étincelant qui jouit d’une...
  • NODIER CHARLES (1781-1844)

    • Écrit par Pierre MOREAU
    • 1 868 mots
    • 1 média
    ...dans l'illuminisme : celui de Jacques Cazotte ou de Nicolas de Bonneville ; dans le fantastique et le frénétique, ceux des sylphes et des vampires. Il a fait jouer, en 1821, un mélodrame noir inspiré de Charles Maturin, Bertram. Il a adopté le Diable amoureux de Cazotte pour en faire son Trilby.

Voir aussi