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BROWN CHARLES (1922-1999)

Un des grands créateurs du blues californien, ou West Coast blues, le pianiste et chanteur Charles Brown a connu une énorme popularité entre 1945 et 1954. Voix mourante, insinuante, chagrinée jusqu'au désespoir, piano et guitare tissant un subtil mais solide canevas, compositions sophistiquées jusqu'à l'affectation : la musique de Charles Brown et de ses nombreux disciples a reflété mieux qu'aucune autre les aspirations de ses contemporains noirs, celles d'une réussite sociale dans les grandes cités où ils étaient venus chercher du travail et une meilleure vie durant les années de guerre. D'ailleurs, le style de Brown, comme son parcours, est aux antipodes de celui, brut et rural, des bluesmen venus du Delta à Chicago, comme Muddy Waters. Charles Brown lui-même récusait le qualificatif de « bluesmen », préférant celui de « blue ballad singers ». La critique de l'époque parlera de « sepia Sinatras », crooners noirs pour une société « de couleur » en mouvement vers l'ascension sociale.

Charles Brown naît à Texas City (Texas) le 17 janvier 1922. Élevé par ses grands parents, tous deux musiciens de jazz et de gospel, Charles émigre du Texas à Los Angeles en 1943, après des études de pharmacie et une formation de pianiste classique. Il fréquente les cabarets chics de Hollywood, où son jeu de piano virtuose, marqué par Fats Waller et Earl Hines, attire l'attention. Il remplace Nat King Cole au sein du trio Three Blazers du guitariste Johnny Moore. Le succès est instantané avec des blues et des ballades douces-amères qui sont souvent devenus des classiques repris encore aujourd'hui : Driftin' Blues, Merry Christmas Baby, Black Nights, Trouble Blues, Race Track Blues, Soothe Me, Rockin' Blues. En 1948, après la disparition des Three Blazers, Charles Brown décide de voler de ses propres ailes ; il va triompher sur les plus grandes scènes des États-Unis, de San Francisco à New York et de La Nouvelle-Orléans à Detroit.

Mais, à la fin des années 1950, son style, en demi-teintes et en nuances, cesse de plaire à une jeunesse noire avide de nouveaux rythmes et d'une autre attitude. Brown n'a bientôt plus les moyens d'entretenir une formation et se cantonne aux petits bars de voisinage des banlieues californiennes. Alors que les styles de blues plus rudes et crus – passés eux aussi de mode parmi les Noirs – trouvent un second souffle auprès de l'auditoire jeune, blanc et nordiste du folk boom des années 1960, la musique de Brown apparaît à ces mêmes oreilles trop urbaine et jazzy.

Malgré quelques vaines tentatives de retour ponctuées de bons albums (parmi lesquels, en 1970, Legend !, avec l'excellent guitariste Earl Hooker), Charles Brown devra attendre le début des années 1990 pour ressortir de l'anonymat grâce au guitariste de jazz Danny Caron, avec lequel il entamera une brève et nouvelle carrière, enregistrant plusieurs CD fort réussis : All My Life (Bullseye Blues), These Blues (Verve), Honey Dripper (Verve). Charles Brown meurt à Oakland, en Californie, le 21 janvier 1999.

Abondante, la première partie de son œuvre est certes inégale mais recèle de grandes réussites et se révèle toujours passionnante sur le plan historique. Elle a fait l'objet de plusieurs rééditions intégrales sur les labels Classics et JSP.

— Gérard HERZHAFT

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Gérard HERZHAFT. BROWN CHARLES (1922-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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