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WEBER CARL MARIA VONN (1786-1826)

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Le créateur de l'opéra romantique allemand

C'est en premier lieu grâce à ses opéras que Weber s'est rendu célèbre et a survécu. Déjà, les seules ouvertures du Freischütz, d'Euryanthe et d'Obéron, fréquemment exécutées en concert, auraient suffi à maintenir sa popularité. Elles achèvent en effet d'établir la forme et l'esthétique de l'ouverture romantique, rassemblant les thèmes principaux et, souvent, des épisodes entiers de l'ouvrage, organisés de manière à former une narration éloquente, servis par la richesse de la palette orchestrale. Quant aux opéras eux-mêmes, Sylvana, qui reste à peu près ignorée du grand public, contient déjà les idées qui seront celles du Freischütz, avec sa poésie panthéiste de la vie forestière et ses références au folklore ; Abu Hassan, avec son sujet exotique, reste dans la tradition du singspiel mozartien (Zaïde, L'Enlèvement au sérail) et est un nouvel hommage aux « turqueries » à la mode depuis le milieu du xviiie siècle. Mais c'est évidemment avec le Freischütz, œuvre témoin du romantisme allemand, que Weber s'est imposé sur la scène mondiale.

Le Freischütz, dont l'action se situe en Bohême au xviie siècle, est fondé sur une légende d'Europe centrale. Le livret est de Friedrich Kind. Pour pouvoir épouser Agathe, fille du garde forestier Cuno, le jeune chasseur Max doit, conformément à une tradition établie, remporter un concours de tir. Or il accumule les échecs, ayant été envoûté par son compagnon Caspar, ancien prétendant éconduit d'Agathe. Caspar a passé un pacte avec le démon, personnifié par Samiel, le « chasseur noir », dont le repaire se trouve au fond de la forêt, dans la gorge aux Loups. Caspar réussit à persuader Max de s'y rendre avec lui à l'heure de minuit et d'y faire fondre, avec l'aide de Samiel, sept balles magiques, qui atteindront leur but infailliblement. Mais ce pacte comporte une clause que Max ignore : après que les six premières balles auront frappé juste, la septième ira là où il plaira au démon de l'envoyer. Max se laisse convaincre. Le tableau de la gorge aux Loups est le cœur dramatique de l'ouvrage, rassemblant les trois protagonistes (Samiel est un rôle parlé, avec la voix souvent amplifiée par un haut-parleur) et un chœur d'esprits invisibles, et faisant se déchaîner, après la fonte de chaque balle, des forces surnaturelles de plus en plus menaçantes. Caspar a demandé à Samiel que la septième balle frappe Agathe. Mais, le jour du mariage, c'est Caspar lui-même qui sera frappé à mort par le dernier coup de feu de Max, car Agathe se trouvait sous la protection d'un saint ermite. Ayant appris que Max avait conclu un pacte diabolique, le roi Ottokar, venu assister à la cérémonie, veut le faire bannir, mais l'ermite intercède en sa faveur, ordonnant l'abolition du concours de tir, et le mariage de Max et d'Agathe sera seulement reporté d'un an.

On peut constater dans le Freischütz des influences de Mozart (au deuxième acte surtout, dans les scènes d'Agathe avec sa cousine Annette, où l'on retrouve la relation classique de la maîtresse et de la soubrette), et aussi celles de Beethoven, au niveau de l'harmonie et de certaines références ponctuelles (issues de Fidelio, notamment). Mais le charme et l'impact émotionnel du Freischütz tiennent surtout à la saveur d'une présence populaire richement représentée par le folklore et à l'alliance de la nuit et du fantastique avec une nature qui est à la fois cadre et élément personnifié. Nombre de ses mélodies, prenantes et aisément mémorisables, comme toujours chez Weber, sont rapidement devenues de véritables « tubes » dans toute l'Allemagne et même à l'étranger. Richard Wagner, dans un article publié en 1841 dans[...]

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Écrit par

  • : docteur en musicologie, maître de conférences à l'université d'Évry, retraité

Classification

Pour citer cet article

André LISCHKE. WEBER CARL MARIA VONN (1786-1826) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 21/03/2024

Médias

Carl Maria von Weber - crédits : Photos.com/ Thinkstock

Carl Maria von Weber

<it>Le Freischütz</it> - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le Freischütz

Autres références

  • DER FREISCHÜTZ (C. M. von Weber)

    • Écrit par
    • 1 673 mots
    • 1 média

    « Opéra romantique » en trois actes composé entre 1817 et 1821 par Carl Maria von Weber, Der Freischütz (Le Freischütz) est créé le 18 juin 1821 au Königliches Schauspielhaus de Berlin sous la direction du compositeur, avec notamment le ténor Karl Stümer (Max), la soprano Karoline Seidler...

  • LE FREISCHÜTZ (C. M. von Weber)

    • Écrit par
    • 219 mots
    • 1 média

    La création triomphale, le 18 juin 1821, au Königliches Schauspielhaus de Berlin, du Freischütz de Carl Maria von Weber marque l'émancipation de l'opéra allemand. Malgré la réussite de L'Enlèvement au sérail (1782) et de La Flûte enchantée (1791) de Mozart, voire du Fidelio...

  • COLORATION, musique

    • Écrit par
    • 1 059 mots
    « Des sonorités qui parlent des profondeurs de l'être » : c'est ainsi que Robert Schumann évoquait la musique deCarl Maria von Weber, compositeur notamment du Freischütz (1821), dont l'ambiance sonore fait pénétrer dans l'univers du fantastique. Weber a obtenu cet effet en jouant sur la spécificité...
  • COR D'HARMONIE

    • Écrit par
    • 1 417 mots
    • 5 médias
    Carl Maria von Weber utilise de manière magistrale le cor dans ses opéras et dans son Concertino pour cor (1806). Hector Berlioz déclare, dans son Grand Traité d'instrumentation et d'orchestration modernes (1843) : « Aucun maître, à mon avis, n'a su en tirer un parti plus original, plus...
  • MÉLODIE

    • Écrit par
    • 4 137 mots
    • 1 média
    Avec l'ère romantique, et déjà chez un musicien qui n'y est pas encore engagé mais qui l'annonce, avec Weber, des mélodies de style assez purement mozartien voisinent avec de grandes envolées lyriques où la ligne se disloque, projette brusquement et presque spasmodiquement la voix vers l'aigu....
  • OPÉRA - Histoire, de Peri à Puccini

    • Écrit par
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    • 31 médias
    Carl Maria von Weber (1786-1826) se pose comme le père légitime de l'opéra romantique allemand. Avec Euryanthe (1823), Obéron (1826), mais plus encore avec son Freischütz, de 1821, il porte l'assaut décisif contre l'opéra italien. En s'appuyant sur un livret qui relève du fantastique, le ...