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PASTERNAK BORIS LEONIDOVITCH (1890-1960)

Pasternak - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Pasternak

Poète russe, Pasternak subit l'influence du symbolisme avant de faire ses débuts sous la bannière du futurisme. Son lyrisme, fondé sur un sentiment de participation à l'élan créateur de la vie, le conduit, malgré une adhésion spontanée à la révolution, à résister à la domination de l'idéologie marxiste, puis à la contester dans un roman d'inspiration autobiographique, Le Docteur Jivago, dont la publication à l'étranger, suivie de l'attribution du prix Nobel en 1958, fit scandale en Union soviétique.

Du symbolisme à « Ma Sœur la vie »

Fils du peintre Léonide Pasternak, illustrateur de Tolstoï, professeur à l'École des beaux-arts de Moscou, et de Rosa Kaufmann, pianiste de talent, Boris Pasternak a passé son enfance dans un milieu imprégné de culture et d'art. Ses dons artistiques se sont révélés d'abord dans le domaine musical : séduit par l'œuvre et la personnalité de Scriabine, il a fait jusqu'à l'âge de dix-neuf ans de sérieuses études de composition. Mais, faute d'une vocation assez impérieuse, il renonce à la musique au moment d'entrer à l'université de Moscou. Il y commence des études de philosophie qui le mènent à Marbourg, où il suit pendant le semestre d'été 1912 les cours du néo-kantien Hermann Cohen.

Grand admirateur des symbolistes A. Blok et A. Biély, il adhère cependant, en 1913, au groupe futuriste Centrifuge, sous la marque duquel il publie son premier recueil, Un jumeau dans les nuées (Bliznec v tučakh, 1914). Le futurisme, qu'il défend dans les articles La Réaction de Wassermann (Vassermanova reakcija, 1914), et La Coupe noire (Čërnyj bokal, 1916), exprime à ses yeux un besoin de renouveler le langage poétique des symbolistes, dont il partage cependant l'idéalisme teinté de mysticisme. Ses premiers vers se distinguent par la richesse du vocabulaire, la nouveauté des rimes, la variété des rythmes, l'abondance des allitérations et une certaine outrance baroque des images. Les recherches d'expression dont ils témoignent s'apparentent à celles de Maïakovski, dont la puissante personnalité fascine Pasternak, mais lui fait prendre conscience des implications éthiques de la « manière romantique » qui organise toute l'œuvre autour d'une certaine image du moi. Dans son second recueil, Par-dessus les obstacles (Poverkh bar'erov, 1916), il tend, au contraire, à dissoudre cette image dans celle du monde extérieur, peint à la manière d'une esquisse, par une accumulation de notations rapides. La nouvelle en prose Les Lettres de Toula (Pis'ma iz Tuly, 1917) illustre ce rejet de la morale romantique du génie, propre à plusieurs de ses contemporains.

C'est en 1917, en effet, que Pasternak trouve définitivement sa voie avec Ma Sœur la vie (Sestra moja žizn', 1922), recueil lyrique où des paysages d'été, auxquels se mêle parfois l'écho des événements intimes ou historiques de l'été de la révolution, saisis dans l'éblouissement d'une révélation et décrits dans un langage métaphorique qui traduit cet éblouissement, expriment pour la première fois le thème désormais central de la vie, participation à l'élan universel et impersonnel qui est à la source de toute création authentique et de toute personnalité véritable. La poésie, autant qu'un moyen d'expression, est un mode de participation à cet élan créateur de la vie – idée que Pasternak exprimait déjà sous une forme symbolique dans la nouvelle Apellesova čerta (Le Trait d'Apelle), écrite en 1915 –, cela grâce au bonheur de la forme, qui résulte chez lui de la rencontre de deux éléments opposés, voire contradictoires : la contrainte d'une structure rythmique et phonique très exigeante et la spontanéité d'un langage très proche, par son vocabulaire concret, par sa syntaxe elliptique,[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne et à l'École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Michel AUCOUTURIER. PASTERNAK BORIS LEONIDOVITCH (1890-1960) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Pasternak - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Pasternak

Autres références

  • LE DOCTEUR JIVAGO, Boris Pasternak - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel AUCOUTURIER
    • 1 229 mots
    • 1 média

    Unique roman du grand poète russe Boris Pasternak (1890-1960), Le Docteur Jivago, commencé en 1945, est le bilan romanesque d'une vie de poète. Ayant débuté dès 1913 au sein du mouvement futuriste, révélé en 1922 par le recueil lyrique Ma Sœur la vie, écrit en 1917, et marqué par l'euphorie...

  • RUSSIE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Michel AUCOUTURIER, Marie-Christine AUTANT-MATHIEU, Hélène HENRY, Hélène MÉLAT, Georges NIVAT
    • 23 999 mots
    • 7 médias
    ...par fidélité à la cause perdue des Blancs, Marina Tsvétaïeva (Cvetaeva, 1892-1941) reste au diapason des poètes de sa génération, et en particulier de Pasternak. Celui-ci, éclipsant son ancien compagnon de groupe futuriste Nicolas Asséïev (Aseev, 1889-1963), devient avec le lyrisme intemporel de Sestra...

Voir aussi