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BLASON, littérature

Courant dès le xiie siècle, le terme de blason s'emploie à l'origine avec la signification de : discours, conversation, description, explication, propos. Vers la fin du xve siècle, c'est aussi une sorte de poésie, qui décrit minutieusement, sur le mode de l'éloge ou de la satire, un être ou un objet. Le genre du blason connut, dans la première moitié du xvie siècle, une vogue extraordinaire. Clément Marot, réfugié à Ferrare à la cour de la duchesse Renée de France, entreprend de traduire les Psaumes et compose, en 1535, une pièce tout à fait profane : le Blason du beau tétin. Quand le facétieux poème parvient en France, la cour de François Ier l'applaudit, son succès est prodigieux ; à sa suite, une foule d'imitateurs se mettent à blasonner à leur tour. On ne blasonnera toutefois pas n'importe quel sujet, mais presque exclusivement la Dame, les trésors précieux et les charmes infinis de son corps, que les peintres de l'école de Fontainebleau avaient déjà dévoilé ; les poètes rivalisent dans la composition d'un étrange atlas anatomique. Ainsi, l'œil revient à Antoine Héroët, les cheveux à Jean de Vauzelles, la joue, la langue, le nez à l'abbé Eustorg de Beaulieu, le nombril à Des Périers, le sourcil, le front, la gorge, la larme et le soupir à Maurice Scève, le genou et le pied à l'aumônier de monseigneur le Dauphin, Lancelot de Carle. Et d'autres encore bravent sensuellement l'honnêteté. Appelée à juger cette joute poétique, la cour de Ferrare attribue la palme au Blason du sourcil, de Maurice Scève.

En 1536, Marot lance le premier contre-blason qu'il intitule, de manière significative, Blason du laid tétin. Il invite du même coup les poètes français à s'exercer au contre-blason, chantant à rebours les beautés d'autrefois ; et il recommande d'éviter l'indécence et la grossièreté. Ce dernier conseil sera peine perdue : l'obscénité sans retenue des contre-blasons, que ne relève plus aucun piquant, devient telle qu'elle provoque en réaction une mode laborieuse de nouveaux blasons, ennuyeux et sermonneurs, dont les Blasons domestiques (1539) de l'imprimeur poète Gilles Corrozet — qui détaillent scrupuleusement tous les articles d'un ménage — peuvent donner une idée.

À la fin du xvie siècle, le blason est mort. Pourtant, la Pléiade, qui ne l'avait ni apprécié ni seulement mentionné, devait en donner une forme rajeunie : avec Ronsard, dans ses recueils de poèmes, entre 1554 et 1569, où s'opère la réunion de plusieurs genres, odelettes, épigrammes, blasons, chansonnettes burlesques à la mode des Italiens, et surtout avec Rémy Belleau, dont les « petites hymnes », courtes pièces mi-lyriques mi-descriptives, consacrées à la louange de menus sujets (l'escargot, la cerise, le papillon, l'ombre, l'heure, etc.) sont, en réalité, au même titre que son chef-d'œuvre, Pierres précieuses (1576), des blasons d'un nouveau style, auxquels la critique moderne a donné le nom d'hymnes-blasons.

— Nicole QUENTIN-MAURER

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Nicole QUENTIN-MAURER. BLASON, littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )