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VIOLA BILL (1951- )

Les vidéos de Bill Viola présentent la particularité de pouvoir regrouper des systèmes de rationalité et des modes purement intuitifs, des méthodes scientifiques et des pensées orientales, des images à la fois hautement technologiques et parfaitement visionnaires, les finalités avouées de la conscience et la part d'inconscient qu'elles comportent. Par-delà les processus cognitifs que requièrent la science, la technique, le raisonnement, mais aussi le rêve, l'hallucination ou le délire – ce qui est maîtrisable et ce qui échappe à cette maîtrise –, Viola s'intéresse à la matérialité même de l'être humain jusque dans ses expériences physiques les plus extrêmes : le satori (détachement absolu) du bouddhisme zen ou bien des douleurs insoutenables.

Deux visions de l’être

Bill Viola est né en 1951 à Flushing, New York. Après avoir reçu son diplôme du College of Visual and Performing Arts, en 1973, il commence à fréquenter le « studio expérimental » du département d'art. Avec des amis, il analyse les films d'artistes tels que Michael Snow, Hollis Frampton, Stan Brakhage. Ses premières tentatives se font avec une caméra Sony portable, et en voyant les travaux de Bruce Nauman et de Vito Acconci, il comprend que la vidéo n'est pas seulement une nouvelle technologie, mais peut aussi favoriser l'expression d'une expérience personnelle. À la même époque, il suit les cours de Peter Campus, qui seront déterminants pour lui.

Ses tout premiers travaux vidéo – Bill Viola en est toujours le sujet principal, comme le créateur des émotions et des idées –, qui datent de 1975, veulent faire participer le spectateur à leur déroulement pour en faire une partie de l'œuvre. À cette même date, les voyages représentent pour lui un aspect important de son travail ; il part souvent en quête de lieux pour tourner des images qu'il porte, pour ainsi dire, déjà en lui. L'espace comme matériau devient un trait essentiel de ses vidéos ; son premier travail véritablement abouti, Choot el-Djerid (A Portrait in Light and Heat) (1979, Museum of Modern Art, New York), pour seul sujet le Sahara tunisien. Pour Viola, chaque lieu – que ce soit une plage, un couloir, une usine – dégage une énergie et une puissance particulières, capables de transformer celui qui regarde. À cet égard, il joue tantôt sur la perception presque documentaire et informative des choses, comme si la caméra retransmettait au spectateur une vision « objective » du monde, tantôt sur la transformation opérée par l'intellect lorsqu'il retravaille les objets. Viola obtient ainsi les deux versants de la nature humaine, l'esprit et le corps, à travers la médiation d'une technologie qui permet de les montrer simultanément dans une géographie et dans une temporalité singulières. Mais les formes que peuvent prendre le temps et l'espace ne sont pas seulement celles qui sont visibles ou que l'on expérimente directement ; ce sont aussi les méandres de l'inconscient ou l'état de tension lors d'une quête spirituelle.

Dans l'installationThe Sleep of Reason (1987), le spectateur pénètre dans une chambre éclairée seulement par une lampe posée sur une commode ; sur le mur situé en face de lui est projetée l'image d'une femme plongée dans un profond sommeil. Il ne se passe rien, on n'entend que le souffle léger de la dormeuse. Tout à coup, en quelques secondes, des images d'une personne en train de se noyer, accompagnées des bruits de l'eau, apparaissent sur les trois autres murs, qu'elles remplissent entièrement, et l'on revient soudainement à la semi-obscurité et au silence de la pièce. Puis d'autres images violentes et bruyantes – incendie d'une maison, un hibou battant des ailes, un loup poursuivant quelqu'un – apparaîtront de temps à autre. Le spectateur, ainsi immergé dans l'inconscient de[...]

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Jacinto LAGEIRA. VIOLA BILL (1951- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CINÉMA ET OPÉRA

    • Écrit par Jean-Christophe FERRARI
    • 3 248 mots
    • 7 médias
    Le travail de Peter Sellars est davantage tourné vers la vidéo. Ainsi, dans son Tristan et Isolde (Opéra-Bastille, 2005), des images du vidéaste Bill Viola étaient projetées sur le fond de la scène transformé en immense écran. Les liens entre les films de Viola et l'opéra de Wagner étaient...
  • INSTALLATION, art

    • Écrit par Bénédicte RAMADE
    • 3 512 mots
    • 1 média
    Le principe d'immersion par la couleur peut être combiné comme chezBill Viola, avec des projections vidéos monumentales qui ont lieu dans l'obscurité. Les sens aiguisés par la pénombre, le spectateur se retrouve partagé entre cinq écrans dans l'installation Five Angels for the Millenium...
  • VIDÉO ART

    • Écrit par Rosalind KRAUSS, Jacinto LAGEIRA, Bénédicte RAMADE
    • 5 807 mots
    ...fascination pour les seules caractéristiques techniques de l’image n’est plus à l’ordre du jour. Avec certains des artistes de la nouvelle génération, notamment Bill Viola et Gary Hill, la vidéo a acquis son autonomie plastique et ses enjeux esthétiques sont désormais aussi cohérents que ceux des autres médias...

Voir aussi