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BERLIN (JEUX OLYMPIQUES DE) [1936] Les nazis et l'olympisme

« Avec ces Jeux, on a mis entre nos mains un instrument de propagande inestimable », peut-on lire dans la presse officielle nazie en 1935. « Nous allons nous mesurer aux nations de la terre et leur montrer quelles forces l'idée de la communauté nationale est à elle seule capable de mettre en œuvre », écrit Joseph Goebbels. Ces deux phrases résument parfaitement et cyniquement les desseins olympiques nazis : montrer au monde la puissance du Reich tout en dupant l'opinion internationale quant aux funestes projets du régime national-socialiste.

Pourtant, les convictions nazies au sujet du rôle du sport se situent aux antipodes de la conception coubertinienne des jeux Olympiques. En effet, alors que le rénovateur des Jeux soutenait une vision élitiste de la confrontation olympique, les nazis considèrent que le sport doit constituer une « éducation physique politique » pour le peuple. Dans Mein Kampf, Hitler insiste sur l'importance du « dressage du corps », lequel doit servir à l'épanouissement d'une race aryenne appelée à dominer le monde ; il prône l'instauration dans le système scolaire de 2 heures quotidiennes de pratique sportive, qui serviront à la formation de futures recrues que « l'armée n'aura plus qu'à transformer en soldats ». Arrivé au pouvoir, Hitler fait ainsi construire en Allemagne de multiples gymnases et piscines destinés à cette « formation ».

La stratégie olympique nazie

Nommé chancelier du Reich le 30 janvier 1933, Hitler se déclare dans un premier temps opposé à la tenue des jeux Olympiques à Berlin en 1936. Dans les rangs nazis, on rejette massivement les Jeux : ainsi, le docteur Wetzel, directeur de l'Institut d'éducation physique de Berlin, déclare que le régime doit refuser les Jeux « organisés et portés par un esprit issu d'un monde que le national-socialisme a dépassé » ; les corporations universitaires allemandes se disent contre les Jeux ; Bruno Malitz, porte-parole du parti nazi, clame haut et fort l'hostilité des militants envers les Jeux ; un comité de défense contre les jeux Olympiques se met en place...

Mais tout change dès le 16 mars 1933. Theodor Lewald, président du comité d'organisation, et Carl Diem, secrétaire général de ce comité, obtiennent une entrevue avec Hitler. Ce jour-là, les deux dirigeants les plus respectés du mouvement sportif allemand parviennent à convaincre le nouveau chancelier de l'intérêt des Jeux pour le Reich, Lewald indiquant même que l'organisation des Jeux pourrait permettre à l'Allemagne d'affirmer son prestige. Dès lors, le führer, convaincu, balaie toutes les réticences de ses troupes ; Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, comprend lui aussi tout l'intérêt de saisir l'opportunité olympique, et une gigantesque mascarade se met en marche. Ainsi, plutôt que de satisfaire les militants nazis qui exigent la participation exclusive d'athlètes blancs aux Jeux, Hitler pense qu'il convient de rassurer l'opinion internationale, alors que l'idée d'un boycottage des Jeux de Berlin fait son chemin aux États-Unis. Aussi, bien que le Reichssportführer Hans von Tschammer und Osten déclare que « le sport allemand est fait pour les Aryens », que « la direction de la jeunesse allemande appartient tout entière aux Aryens et non aux Juifs », Hitler mandate Lewald pour qu'il confirme aux Américains, au nom du Comité olympique allemand, « qu'il n'y aurait jamais la moindre discrimination », notamment à l'encontre des Juifs.

Afin que la duperie soit pleinement réussie, une curieuse dénazification paysagère olympique se met alors en œuvre. Dès août 1935 commence dans la presse et à la radio la campagne de propagande Pax olympica, destinée à appeler aux « Jeux de la paix », dans une « Allemagne national-socialiste[...]

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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Pour citer cet article

Pierre LAGRUE. BERLIN (JEUX OLYMPIQUES DE) [1936] - Les nazis et l'olympisme [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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