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BÈDE LE VÉNÉRABLE (672 env.-735)

Le premier historien de l'Angleterre

Même si le moine de Jarrow considérait la « rumination » de la Bible comme sa tâche primordiale, il n'estimait pas que l'histoire du salut se soit terminée avec la mort du dernier apôtre. À ses yeux, les événements de l'Ancien et du Nouveau Testament se prolongeaient dans le devenir de l'Église, notamment de l'Église de son pays. Cette conviction a conduit Bède à écrire la vie de plusieurs saints personnages, tels que l'abbé Benedict Biscop et l'évêque Cuthbert. Elle a surtout inspiré celle de ses œuvres qui a eu le succès le plus durable, son Historia ecclesiastica gentis Anglorum. On peut dire que cette histoire, en offrant à Bède un domaine où il était moins tenu à respecter des autorités consacrées, lui a permis de donner la pleine mesure de ses dons : son habileté à découvrir les sources, son aptitude à les critiquer, ses facultés de synthèse. Non point qu'il faille opposer – comme l'ont fait longtemps les modernes – l'originalité du « père de l'histoire anglaise » et le conformisme du commentateur de la Bible. On le voit mieux aujourd'hui, c'est à l'étude des Écritures que le moine de Jarrow a appris les méthodes, les notions et même les techniques littéraires qui l'ont merveilleusement préparé à écrire cette « histoire ecclésiastique de la nation anglaise ».

Ce titre souligne l'originalité de l'entreprise et la distingue de celle d'Eusèbe de Césarée, modèle de tous les historiens ecclésiastiques : l'Église dont le moine de Jarrow retrace la naissance et les progrès s'enracine dans un terroir et s'identifie peu à peu à un peuple. Bède n'apparaît pas moins original si on le compare avec d'autres historiens des royaumes barbares nouvellement christianisés : Grégoire de Tours et Frédégaire pour les Francs, Paul Diacre pour les Lombards. Le moine de Jarrow l'emporte sur eux non seulement par sa méthode et ses dons littéraires, mais par la conception même de son entreprise et l'ampleur du cadre où il replace son sujet. C'est ainsi qu'il commence son histoire par l'évocation de la Bretagne romaine, enracinant ainsi dans un passé classique les petits royaumes barbares aux grandes destinées dont il nous conte l'origine.

De son vivant, la réputation de Bède ne semble pas avoir sensiblement dépassé les frontières de sa petite Northumbria. Quelques années après sa mort, il devient célèbre. Alcuin le proclame Beda Magister. On l'honore du titre de « vénérable ». Pendant près de quatre cents ans, il est l'un des maîtres de l'Occident médiéval. Son influence décline au xiie siècle. On a alors plus largement accès aux sources auxquelles il avait partiellement suppléé et de nouvelles controverses apparaissent, qui nécessitent un nouvel équipement intellectuel.

— Hervé SAVON

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'Université libre de Bruxelles

Classification

Pour citer cet article

Hervé SAVON. BÈDE LE VÉNÉRABLE (672 env.-735) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MOYEN ÂGE - La littérature en prose

    • Écrit par Nicola MORATO
    • 6 740 mots
    • 3 médias
    ...en vers imite l’oralité ou la prose écrite. En outre, surtout dans les genres narratifs, la frontière entre les deux formes n’est pas infranchissable : Bède le Vénérable rédige la vie de Cuthbert une fois en vers et une fois en prose, Alcuin fait de même avec celle de Willibrord, tout comme Raban...

Voir aussi