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BASQUIAT (exposition)

La rétrospective consacrée à Jean-Michel Basquiat au musée d'Art moderne de la Ville de Paris (15 octobre 2010-30 janvier 2011), qui faisait suite à celle présentée par la fondation Beyeler à Bâle, avait le mérite de mettre en lumière les différentes phases d'une fulgurante carrière brisée au bout de seulement huit ans par une overdose (l'artiste, né en 1960 à Brooklyn de père haïtien et de mère portoricaine, est mort en 1988 dans son appartement new-yorkais). De plus, l'exposition faisait apparaître à quel point, cinq ans après la mort de Picasso (1973), Basquiat fut dès ses débuts l'héritier du maître catalan, portant comme lui la peinture à incandescence, ne concevant à vrai dire la vie que comme une fureur de peindre. Le marchand Ernst Beyeler l'avait bien compris ; il décelait la même surprenante intelligence plastique chez les deux artistes, par ailleurs si radicalement différents. Basquiat était conduit par un instinct très sûr. C'est ce qui frappait dès la première salle, où les visiteurs étaient accueillis par une grande représentation de diable, plus effrayante qu'un masque vaudou, dégoulinant de couleurs appliquées avec une sûreté absolue (Devil, 1982). On comprenait immédiatement pourquoi le peintre, qui avait eu le temps de faire fortune, notamment grâce au savoir-faire de ses marchands, parmi lesquels Larry Gagosian, était encore en 2010 l'un des artistes contemporains les plus chers du monde.

Le parcours de l'exposition suivait l'itinéraire plastique de Basquiat. Venait tout d'abord le « dessinateur en couleurs » (1978-1983) qui élaborait alors les thèmes dont l'artiste ne se séparerait plus : héros noirs (sportifs et musiciens), fragments de bandes dessinées, dessins d'anatomie (repris d'un livre médical de Henry Gray offert par sa mère), graffiti, symboles de la mort, du racisme et de l'argent... Tout cela décliné dans diverses techniques mêlées avec un étonnant savoir-faire (peinture, dessin, collage, sérigraphie) avec des commentaires dans chacune des langues parlées par l'artiste : anglais, français, espagnol. Cela allait des débuts de Samo©, pour Same Old shit, marque accompagnée d'une couronne et initialement répandue avec rage sur les palissades de Manhattan, au tableau Tuxedo (1982) dans lequel Basquiat avait intégré seize dessins reproduits en sérigraphie, l'image étant incrustée de mots traduisant ses préoccupations politiques, historiques et sociales. La période du « singulier » génial (1984-1986) privilégiait les figures noires centrales dans des tableaux de grands formats et chromatiquement très riches. C'était l'époque de l'exposition triomphale à la Mary Boone-Michael Werner Gallery de New York en 1984, avec en particulier les toiles Discography One et Discography Two se référant aux enregistrements de Charlie Parker et Miles Davis que Basquiat admirait. Parker était pour lui « Charles the first », titre d'une toile-épitaphe (1982).

Dès 1981, le critique René Ricard avait formulé un jugement prémonitoire dans un article de la revue Art Forum : « Si Cy Twombly et Dubuffet avaient eu un enfant et l'avaient abandonné pour le faire adopter, ça aurait été Jean-Michel. L'élégance de Twombly y est, et aussi le côté primitif du premier Dubuffet. » C'était, entre 1986 et 1988, moment où Basquiat utilisait la photocopie collée sur la toile et reprenait les graffiti et écritures de ses débuts. On pouvait lire dans certains tableaux des mots comme « marijuana » ou « narcotics » et encore « TNT », de même qu'un peu plus tôt il avait tracé au marqueur sur la porte d'un vieux réfrigérateur le mot « tar » qui pouvait renvoyer aussi bien au goudron, qu'à « rat » et « art », anagrammes réunis en un ironique métissage, qui résumait à la fois l'inspiration et les obsessions d'un artiste hors normes.[...]

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Jean-Luc CHALUMEAU. BASQUIAT (exposition) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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