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AUX ORIGINES D'ISRAËL (Z. Sternhell) Fiche de lecture

Qu'est-il advenu de la société nouvelle que les pères fondateurs d'Israël voulaient instaurer sur la Terre promise ? Tel est l'objet de la recherche que propose Zeev Sternhell dans son livre Aux origines d'Israël. Entre nationalisme et socialisme (Fayard).

Présentée dès l'introduction de l'ouvrage, la réponse est abrupte : l'âge d'or n'a jamais existé, ce n'est qu'un mythe mobilisateur ou un alibi. Et, plus encore, les pères fondateurs et leurs héritiers directs, qui ont présidé pendant plus de cinquante ans (de 1920 à 1977), avec une rare continuité, aux destinées d'Israël, n'ont jamais eu réellement l'intention de créer cette société nouvelle et égalitaire si souvent chantée.

On comprendra dès lors que l'ouvrage ait fait du bruit. L'auteur, historien à l'Université hébraïque de Jérusalem, fait partie de cette génération qui remet en cause les fondements idéologiques de l'histoire d'Israël ; c'est aussi un homme engagé à l'aile gauche du Parti travailliste. C'est également un spécialiste, internationalement connu, de l'histoire du fascisme européen.

Or Zeev Sternhell détruit les mythes ; il dissipe les explications confortables comme celle, souvent avancée, qui consiste à dire que l'abandon du projet socialiste que les fondateurs mettaient en place est dû au poids de l'immigration massive de l'après-guerre et à la venue de nouvelles générations incapables de sacrifice. Mais on lui reproche aussi d'avoir dénaturé les faits, d'avoir été emporté par son parti pris contre des hommes comme David Ben Gourion ; on va même jusqu'à le soupçonner d'assimiler le sionisme au fascisme, apparus en Europe à la même époque.

Qu'en est-il ? L'auteur, en historien minutieux, consacre de longs chapitres à dépouiller les discours, les écrits, les controverses qui ont émaillé l'histoire d'Israël, surtout dans les années charnières 1920-1940, avant la création de l'État juif. La lecture en est ardue pour le non-spécialiste, qu'aucun récit ordonné du fil des événements ne vient aider. Pour l'essentiel, la démonstration s'articule autour de cette explication : sous l'empire des nécessités, les dirigeants socialistes du Yshouv (la communauté juive de Palestine) ont privilégié les impératifs de la construction nationale, qu'ils ont réussie, au détriment du changement de la société. Ils ont agi ainsi d'autant plus aisément que l'idéologie qui les animait puisait, en réalité, davantage aux sources du nationalisme qu'à celles du socialisme.

Le personnage central de David Ben Gourion, à l'étude duquel Zeev Sternhell s'attache longuement, illustre parfaitement cette démonstration. Le vieux lutteur était littéralement hanté par le souci d'imposer la création d'un État juif en Palestine. Il a su, avec la petite équipe issue de la « deuxième alya » (la vague d'immigration de 1904-1914, en provenance d'Europe de l'Est), mettre en place l'organisation politique, économique et culturelle nécessaire à la réussite du projet sioniste ; c'est ce même groupe qui a dominé le Yshouv depuis 1920, fondé le Mapaï (prédécesseur du Parti travailliste) et la Histadrout (centrale syndicale), dirigé le mouvement sioniste depuis 1930, gagné la guerre de 1948-1949, proclamé la Déclaration d'indépendance et tenu les rênes du pouvoir jusqu'aux années 1970. Le mouvement sur lequel ce groupe s'est appuyé s'est imposé non « par ses réalisations sociales, mais par sa faculté de conduire la nation ».

Car l'histoire du travaillisme juif est, selon l'auteur, l'histoire de son glissement au centre, voire à droite, vers les positions les plus nationalistes et les[...]

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