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AUTOMATE

La liaison science-technique et l'automatisme

Jamais chez les grands automatistes de tous les temps la pensée technique n'a été coupée du savoir théorique. On peut se demander si Descartes ne fut pas redevable aux mécaniciens et aux savants passionnés d'automates d'avoir discerné l'identité entre l'intelligence « décomposant une équation en ses facteurs », en comprenant « la structure et la composition », et l'intelligence « décomposant et recomposant une machine » et comprenant « l'agencement ainsi que la structure et le fonctionnement ». Physique, mathématiques et philosophie sont impliquées et mêlées intimement dans la conception de l'automate. Dès le début de ses Pneumatiques, Héron s'oppose au cosmos d'Aristote et à sa conception de la forme : l'espace n'est pas limité par la forme des objets, prétendait-il, sinon comment le feu qui échauffe pénétrerait-il la pierre, comment l'eau et le vin pourraient-ils se mélanger ? N'est-ce pas la preuve de l'existence dans les corps d'une quantité infinie de petits vides ? Et, fait significatif, il note dans le Baroulkos que la difficulté en physique c'est que l'on ne peut voir les forces qui agissent, ni la façon dont elles se divisent. Chez Héron comme chez les pionniers et les continuateurs de l'horlogerie monumentale, l'automate, avec ou sans personnage, n'est qu'un ensemble de mécanique, de mathématiques et de philosophie injecté et informé dans le fer et le laiton, qui relève d'une physique universelle. La richesse et la fécondité de ces rapports « interdisciplinaires » éclateront à la Renaissance qu'anime un esprit combinatoire débordant en mécanique bien entendu, mais aussi en musique, en poésie. Le rôle de la philosophie est ici de mettre en parallèle les horloges, qui forment les modèles d'un nouveau cosmos avec la physique du ciel et celle de la terre. Dans leurs rouages de métal, elles proposent l'image de la chiquenaude divine et du primum mobile.

Même quand les automates envahirent les foires et descendirent dans la rue, ils ne furent jamais tout à fait étrangers à ces noces secrètes. Beaucoup de mécaniciens, à la fois ingénieurs, architectes, peintres, sculpteurs et quelque peu géomètres, scellèrent eux aussi en Italie, surtout au xve siècle, cette union de l'action et de la spéculation théorique. Pour Léonard et de nombreux pionniers du xvie siècle, construire un automate est, au même titre qu'une expérience physique, une insertion de la théorie dans l'action : la publication en 1580 de Heron mechanicus, seu De mechanicis artibus palladium atque disciplinis par Konrad Dasipodius, mathématicien et rénovateur de l'horloge astronomique de Strasbourg, consacre, en attendant Galilée et Descartes, ce retour à Archimède et lui donne ses lettres de noblesse.

Quelles qu'aient été leurs fins, les automates ont donc beaucoup reçu et beaucoup donné : mécanismes nouveaux (roues à crans, roues à chaperon qui n'en est qu'un avatar, tambours à picots fixes ou mobiles, engrenages hypocycloïdaux, engrenages différentiels), progression des structures, préfiguration de techniques modernes (aviation, phonographe, orthopédie, machine à calculer, machine à coudre), illusions même (motivation de Cartwright avant qu'il réinvente sa machine à tisser).

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Pour citer cet article

Jean-Claude BEAUNE, André DOYON et Lucien LIAIGRE. AUTOMATE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Horlogerie suisse - crédits : London Stereoscopic Company/ Hulton Archive/ Getty Images

Horlogerie suisse

États-Unis : la prospérité, 1920-1929 - crédits : The Image Bank

États-Unis : la prospérité, 1920-1929

Autres références

  • AUTOMATIQUE

    • Écrit par Hisham ABOU-KANDIL, Henri BOURLÈS
    • 11 646 mots
    ...l'état x s'exprime en fonction des coordonnées xi à l'aide des opérations de base ∨ (« ou »), ∧ (« et ») et ¬ (« non »). Une décision, qui est le résultat d'un tel calcul, peut être prise par un automate se substituant à l'opérateur humain (cf. automatisation...
  • AUTOMATISATION

    • Écrit par Jean VAN DEN BROEK D'OBRENAN
    • 11 882 mots
    • 12 médias
    Là où l'ordinateur, avec son langage évolué, l'importance de sa mémoire, la rapidité de son traitement, est trop coûteux, on lui préfère l'automate programmable. Ce dernier a la même architecture qu'un petit ordinateur ; mais, pour des raisons d'économie, une partie de sa mémoire ainsi que les...
  • AUTO-ORGANISATION

    • Écrit par Henri ATLAN
    • 6 255 mots
    • 1 média
    On observe, dans des réseaux d'automates en partie aléatoires, des propriétés de classification et de reconnaissance de formes sur la base de critères auto-engendrés, non programmés. Il s'agit là de simulations d'auto-organisation fonctionnelle où ce qui émerge est non seulement une structure macroscopique...
  • COGNITIVES SCIENCES

    • Écrit par Daniel ANDLER
    • 19 262 mots
    • 4 médias
    Il s'agit d'un ensemble d'automates très simples interconnectés. Les connexions permettent à un automate tel que i de transmettre à un automate j une simulation positive (excitatrice) ou négative (inhibitrice), déterminée par l'état d'activité ui de i et modulée par un poids synaptique...
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Voir aussi