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VIEIRA ANTÓNIO (1608-1697)

Célèbre jésuite portugais du xviie siècle, Vieira est la figure à la fois la plus extraordinaire et la plus représentative de son temps au Portugal. On le trouve partout au premier plan, dans l'éloquence sacrée, la politique, l'apostolat, dans la défense des esclaves et des nouveaux chrétiens, dans la littérature et le messianisme. Remettant toutes choses en question, il plaint ceux qui ne savent pas se faire des ennemis. Intransigeant sur la foi, il est un apôtre de la tolérance. Son sens pratique est étonnant et cependant il croit le monde à la veille du second avènement du Christ. Son millénarisme mitigé est en faveur du Portugal, dont toutes les tribulations récentes n'étaient que les épreuves purificatrices, signes de l'imminence de l'intervention divine. Ce visionnaire courageux a une ampleur de vues étonnante pour son époque, sa pensée est à l'échelle du monde.

L'homme d'action et l'orateur sacré

Né à Lisbonne, António Vieira va très tôt au Brésil où il entre dans la Compagnie de Jésus à Bahia. Il veut évangéliser les Indiens ; on en fera un professeur. La lutte contre les Hollandais le lance dans la politique. À partir de 1641, il est au Portugal où une profonde amitié le lie bientôt au nouveau roi Jean IV. Il devient son conseiller et son prédicateur attitré. Il voyage en France, en Hollande et à Rome pour des missions officieuses. Ses plans audacieux, ses activités indiscrètes irritent. En 1653, il retourne au Brésil et peut enfin évangéliser et protéger les Indiens. Les colons, furieux, le réexpédient en Europe. L'Inquisition ouvre alors son procès qui dure de 1663 à 1667. La politique le sauve ; il va prêcher à Rome, y triomphe et retourne au Brésil en 1680. Il meurt, ses illusions intactes, à Bahia, dans sa quatre-vingt-dixième année.

Vieira a revu et publié deux cent quatre de ses sermons. Pour l'entendre on réservait sa place à Lisbonne et on se bousculait à Rome. Il a parlé devant les rois et les cardinaux aussi bien que devant les esclaves dont il compare, au début de sa carrière, les souffrances avec celles de Jésus sur la croix. Avec lui la chaire chrétienne devient une tribune politique où tous les grands problèmes du moment sont traités et des solutions proposées. Les fidèles, assurés de ne pas s'ennuyer au sermon, risquent souvent d'être pris à partie. Pour Vieira, chaque sermon est un combat ; il exige toujours quelque chose de son public. Il veut l'efficacité avec passion, parle à chacun le langage qu'il peut entendre et semble connaître tout le monde personnellement. La richesse de son vocabulaire contribue pour beaucoup à l'impression de variété de ses discours. Prédicateur passionné, Vieira est parfois apocalyptique, il ose apostropher Dieu. Son style est souvent heurté. Marqué par le goût de son époque, il est obsédé par la cadence binaire et toujours attentif aux échos verbaux qui peuvent être des indications divines. Malgré cela, des discours entiers conservent encore une vie frémissante. On cite toujours le Sermon dit de saint Antoine aux poissons, le Sermon pour le succès des armes du Portugal contre la Hollande, le Sermon de la Sexagésime. Les sermons de Vieira et sa correspondance restent des œuvres maîtresses de la littérature portugaise, où bien des modernes cherchent encore des modèles de pureté et d'élégance de style.

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Écrit par

  • : doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de Poitiers

Classification

Pour citer cet article

Raymond CANTEL. VIEIRA ANTÓNIO (1608-1697) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BRÉSIL - La littérature

    • Écrit par Mario CARELLI, Ronny A. LAWTON, Michel RIAUDEL, Pierre RIVAS
    • 12 169 mots
    ...veines constitutives de l'unité disjonctive de cette littérature, partagée entre enracinement brésilien, avec le bahianais Gregorio de Matos (1633-1697) et ouverture cosmopolite avec le jésuite Antonio Vieira (1608-1697). Un double registre, l'un, interne et vernaculaire, induisant une littérature régionaliste,...
  • PORTUGAL

    • Écrit par Roger BISMUT, Cristina CLIMACO, Michel DRAIN, Universalis, José-Augusto FRANÇA, Michel LABAN, Jorge MORAÏS-BARBOSA, Eduardo PRADO COELHO
    • 39 954 mots
    • 24 médias
    Trois noms dominent cette époque : Francisco Manuel de Melo (1608-1666), António Vieira et António J.  da Silva (1705-1739). Le premier, courtisan, guerrier, diplomate, homme d'affaires, est aussi le plus grand polygraphe de son temps. Son œuvre doctrinale révèle une inquiétude janséniste, et il...

Voir aussi