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TÀPIES ANTONI (1923-2012)

Une vision intérieure

À partir de l953, le peintre tente d'élaborer un vocabulaire plastique qui lui soit propre. Éprouvant le besoin de repartir à zéro, Tàpies dépouille son œuvre de tout trait anecdotique, et commence à faire une large place à des techniques nouvelles « favorisant, dira-t-il, toutes les pulsions imaginaires, inconscientes, anachroniques... » Il entreprend également des recherches sur la matière qui l'amènent à fabriquer un médium parfaitement original à base de mélange de sable, de terre, de poussière, de poudre de marbre ou de velours, auxquels viennent s'ajouter colles et colorants. Dès cet instant, l'artiste a jeté les bases d'une pratique qui devient la marque de l'une des œuvres les plus singulières de l'après-guerre.

Dans cette matière, dure, épaisse, sableuse qui n'est qu'à lui, dans cette texture qui est à la fois magma, limon, lave ou décrépitude, le peintre inscrit, incise, entaille et déchire. En faisant trace de manière insistante, Tàpies fait référence au mur et au graffiti, cette expression de la colère populaire, tandis que la croix barre et refuse (Rideau de fer au violon, 1956, Fundació Antoni Tàpies, Barcelone), tout en jouant sur le T omniprésent en tant que signature. Ainsi la Grande Peinture grise (1955, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf), la Peinture avec croix rouge (1954, Kunstmuseum, Saint Gall), le Grand Blanc horizontal (1962, Musée national d'art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris), le Relief gris perforé au signe noir (l955, The Museum of Contemporary Art, Los Angeles) ou la Pyramide (1959, Kunsthaus, Zürich) sont autant de champs de bataille, dans lesquels chaque signe se fait l'écho d'une « vision intérieure qui affirme cet autre devenir celui de l'esprit ». Des chiffres et des mots faussement lisibles voisinent dans le tableau avec bon nombre d'objets liés au quotidien comme ces Deux Couvertures remplies de paille (1968-1969, Stedelijk Museum, Amsterdam), ou encore le Relief aux cordes (1963, Fundació Antoni Tàpies, Barcelone). Tàpies peut aussi, d'un trait incisif, inscrire dans la poussière de marbre un Chapeau renversé (1967, Musée national d'art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris) un corps nu, une jambe ou une aisselle, pour réfuter le piège discriminatoire entre abstraction et figuration.

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Pour citer cet article

Maïten BOUISSET. TÀPIES ANTONI (1923-2012) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CATALOGNE

    • Écrit par Mathilde BENSOUSSAN, Christian CAMPS, John COROMINAS, Marcel DURLIAT, Robert FERRAS, Jean MOLAS, Jean-Paul VOLLE
    • 22 274 mots
    • 8 médias
    On pourrait enfin découvrir sans peine dans l'œuvre de Joan Miró et de Salvador Dalí des marques de l'atavisme catalan, de ce fonds vivace dont Antoni Tàpies montre aussi, à sa manière, l'inépuisable fécondité.

Voir aussi