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ANNATES

Nom donné, au Moyen Âge, à une taxe levée par la papauté à l'occasion d'une nouvelle collation d'un bénéfice mineur et dont le montant correspondait théoriquement aux revenus d'une année de ce bénéfice, ou « annates ».

Cette taxe apparut au cours du xie et du xiie siècle, lorsque certains évêques obligèrent les nouveaux titulaires des bénéfices qu'ils conféraient à leur abandonner leurs revenus pendant une ou plusieurs années, soit pour leur propre profit, soit à l'avantage de fondations pieuses ou d'établissements ecclésiastiques et religieux. Au xiiie siècle, les papes autorisèrent officiellement un grand nombre d'évêques à retenir pour eux les annalia — revenus d'une année — de tous les bénéfices qui viendraient à vaquer dans leurs diocèses. Au concile de Vienne (1311-1312), les bénéficiers firent entendre leurs plaintes et réclamèrent une réglementation, qui fut accordée par Jean XXII en 1317. Les constitutions promulguées à cet effet définirent d'une part les revenus à frapper, d'autre part les bénéficiers à astreindre, les ordres réguliers étant exempts, mais non les monastères et couvents susceptibles d'être donnés, en commende ou selon un autre système, à titre de bénéfices.

Dès cette époque, la papauté avait commencé à s'emparer de cette source de profits en tirant avantage de ce que, depuis Clément IV, elle se réservait de plus en plus la collation des bénéfices ecclésiastiques aux dépens des collateurs ordinaires. Les papes d'Avignon, forcés par les nécessités financières, accélérèrent l'évolution. Successivement Clément V, Jean XXII et Grégoire XI prirent en main cette forme de taxe, que l'on appela désormais annatae (les annates), et en étendirent le champ. En 1376, Grégoire XI obligea tous les clercs à verser la première année de leurs revenus — même ceux qui tenaient des bénéfices des métropolitains, des évêques et des collateurs ordinaires. Les pontifes suivants, particulièrement Boniface IX, reprirent ces règlements, l'annate étant perçue par les collecteurs de chaque collectorie et comptabilisée par eux au compte de la Chambre apostolique. Au début du xve siècle, le terme d'annates engloba, en outre, d'autres taxes créées par le Saint-Siège.

Le clergé, cependant, supportait mal cette très lourde charge. En France, il en obtint pour la première fois l'abolition par un édit royal de 1416. Au concile de Constance (1414-1418), on en discuta dans des débats passionnés. Martin V, en 1418, passa avec les représentants des clergés d'Allemagne, d'Italie, d'Angleterre, de France et d'Espagne des accords particuliers qui restreignaient les droits de la papauté, avant tout en exemptant d'annates les bénéfices dont le revenu annuel était inférieur à vingt-quatre florins d'or. En 1448, le concile de Bâle, qui était en conflit avec le pape, alla plus loin et supprima les annates. Celles-ci demeurèrent néanmoins, mais furent uniformément fixées à vingt-quatre florins d'or pour tous les bénéfices qui en faisaient l'objet. Cependant, à la même époque, le nombre de ces bénéfices diminuait considérablement, puisque, par les concordats conclus avec les princes (tel le concordat de Bologne, signé en 1516 avec la France, qui reprenait les arguments de la Pragmatique Sanction de Bourges de 1438), le Saint-Siège renonçait de plus en plus à son droit de collation. L'évolution se poursuivit dans le même sens aux siècles suivants, au point que les annates devinrent une taxe tout à fait exceptionnelle.

— Marcel PACAUT

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Écrit par

  • : professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université de Lyon-II-Lumière

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Pour citer cet article

Marcel PACAUT. ANNATES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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