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ANGELUS SILESIUS JOHANNES SCHEFFLER dit (1624-1677)

Johannes Scheffler s'est donné lors de sa conversion au catholicisme le nom d'Angelus Silesius qui rappelle ses origines silésiennes et auquel s'attache le prestige toujours plus grand de quelques recueils qui tiennent une place précieuse dans l'histoire de la poésie et de la mystique. À propos des sentences à facettes multiples qui composent le plus original de ces poèmes, Le Pèlerin chérubique, on peut indéfiniment discuter ou infléchir l'interprétation dans un sens ou dans un autre, chercher selon le cas le luthérien ou le catholique, le militant fanatique même, voire le mystique étranger à toute confession. Par là s'explique le charme tout particulier d'Angelus Silesius, à la fois comme poète et comme penseur.

L'évolution religieuse

Johannes Scheffler est né à Breslau. Sa famille, d'ascendance allemande, avait émigré en Pologne, mais son père, né à Cracovie en 1562, fit retour au pays de ses ancêtres vers 1618. Il avait passé la soixantaine lorsqu'il épousa Marie Hennemann, qui avait trente-huit ans de moins que lui. Il mourut en 1637, et sa femme, après avoir donné le jour à deux garçons et à une fille, mourut elle-même en 1639. La famille était luthérienne et pourvue de quelque fortune. Johannes, mis au gymnase Sainte-Élisabeth, y resta jusqu'en 1643, et son maître préféré fut Christoph Köler, ami de Martin Opitz dont il écrivit la première biographie. Köler avait étudié cinq ans à Strasbourg, et, suivant ses traces, le jeune Scheffler se rendit lui-même dans cette ville en 1643 pour s'initier à la médecine, à la politique et à l'histoire, puis l'année suivante à Leyde, où il vécut jusqu'à l'automne de 1647 ; il gagna alors l'Italie pour s'inscrire à l'université de Padoue. En juillet 1648, âgé de vingt-quatre ans, il rentra en Silésie pourvu du titre de docteur en philosophie et en médecine.

Son frère avait perdu la raison, et sa sœur, qui avait épousé un médecin, mourut prématurément, mais par l'intermédiaire de son beau-frère il fut attaché comme médecin à la personne du prince de Öls au début de novembre 1649. Il entra sans doute grâce à Köler en relation avec des cercles mystiques, celui de Franckenberg en particulier, mais Franckenberg mourut le 25 juin 1652, et Scheffler, qui s'était déjà essayé à la poésie sur les bancs du collège, lui dédia un long poème de vingt-huit strophes et cent douze vers qui anticipent déjà, par le fond et par la forme, sur l'œuvre ultérieure.

Scheffler avait conçu le projet d'éditer un petit recueil de textes tirés d'auteurs mystiques, mais il se heurta de la part des autorités ecclésiastiques luthériennes à un refus brutal d'imprimer. Ce fut, aux dires de Scheffler, l'occasion de la rupture, mais il est probable que le séjour en Hollande, où coexistaient toutes sortes de sectes religieuses, puis en milieu catholique en Italie et enfin ses rapports avec Franckenberg, mystique qui se voulait au-dessus des confessions, l'avaient déjà détaché intérieurement du luthéranisme orthodoxe. Toujours est-il qu'en décembre 1652 Scheffler se démit de ses fonctions, quitta Öls, se rendit à Breslau et se convertit au catholicisme un an après la mort de Franckenberg, le 12 juin 1653. C'est alors qu'il prit le nom d'Angelus Silesius.

Il vécut trois années dans la retraite et le silence, mais une partie de ses aphorismes devait être déjà rédigée quand il arriva à Breslau. Il continue de rimer entre 1653 et 1656, et l'ouvrage parut à Vienne le 1er juillet sous le titre un peu banal de Geistreiche Sinn- und Schlussreime (Aphorismes spirituels et sentences rimées). Il publiait la même année à Breslau un volumineux recueil, Die heilige Seelenlust (La Sainte Joie de l'âme).

Son évolution religieuse se poursuit. Il reçoit[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Eugène SUSINI. ANGELUS SILESIUS JOHANNES SCHEFFLER dit (1624-1677) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONSCIENCE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 2 718 mots
    Martin Heidegger (1889-1976) dénonce cet oubli de la rupture dans son livre Le Principe de raison (1957). Partant des mots apparemment anodins d’Angelus Silesius (1624-1677), poète et mystique allemand, « la rose fleurit parce qu’elle fleurit », Heidegger attire notre attention sur le sens profond...
  • ILLUMINISME

    • Écrit par Étienne PERROT
    • 4 970 mots
    ...l'homme est enraciné en Dieu qu'il peut collaborer à la restauration du monde ou mieux encore à son salut ; qu'il s'en sépare, et le voici impuissant, Angelus Silesius (Johann Scheffler), admirateur de Boehme, décrit ainsi cette infrangible unité : « Je sais que sans moi Dieu ne peut vivre un instant....

Voir aussi