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JOLIVET ANDRÉ (1905-1974)

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Des apports extra-européens

La recherche est la vocation de cet homme qui est toujours en quête de nouveaux moyens d'expression. Aux découvertes instrumentales et aux recherches de timbres vient s'ajouter un langage puisé aux sources des musiques tropicales et exotiques. Il réalise une synthèse entre ces éléments nouveaux et le langage personnel qu'il s'est déjà forgé. Sa Sonate pour piano no 1 (1945) – à la mémoire de Bartók – marque le début de cette nouvelle période pendant laquelle vont naître les grands chefs-d'œuvre d'André Jolivet. Il s'oppose aussi bien à l'académisme qu'au raffinement sonore comme une fin en soi, qu'il soit debussyste ou webernien. En cela, il s'écarte de la tradition française. Sa musique est souvent violente, lyrique. C'est une lutte contre la matière sonore à l'état brut et elle s'impose par sa puissance.

Comme à ses débuts, Jolivet continue de refuser le sérialisme intégral, stérile à ses yeux. Mais il en accepte certains principes appliqués à des musiques modales et construit ses œuvres autour de notes pivots, d'accords ou de rythmes clefs, de groupes sonores. Si les apports extra-européens sont très sensibles dans le Concertino pour trompette (1948) ou le Concerto pour piano, dont la création déchaîne un fameux scandale à Strasbourg en 1952, si les apports des timbres nouveaux sont également prédominants dans le Concerto pour ondes Martenot (1947) – l'une des premières œuvres importantes écrites pour cet instrument – ou Épithalame (1953), une fusion parfaite de ces éléments se dessine progressivement dans des œuvres dont la force et la profondeur s'imposent : trois symphonies (1953, 1959, 1964), La Vérité de Jeanne, oratorio écrit sur le texte du procès de réhabilitation (1956), Le Cœur de la matière, cantate d'après Teilhard de Chardin (1965), Madrigal (1963-1970), Mandala pour orgue (1969), Heptade pour trompette et percussion (1971-1972), Le Tombeau de Robert de Visée pour guitare (1972).

Les formes classiques jouent un rôle déterminant dans l'œuvre de Jolivet. Il trouve notamment dans le moule du concerto un moyen d'expression idéal et n'en compose pas moins de douze pour divers instruments (ondes Martenot, 1947 ; trompette, 1948 et 1954 ; flûte, 1949 et 1965 ; piano, 1950 ; harpe, 1952 ; basson, 1954 ; percussion, 1958 ; violoncelle, 1962 et 1966 ; violon, 1972). On peut en rapprocher Songe à nouveau rêvé, cycle de mélodies sur des poèmes d'Antoine Goléa (1970) qui constitue un véritable concerto pour soprano. L'écriture de Jolivet réclame une grande virtuosité. Chacun de ces concertos a été élaboré en étroite liaison avec les instrumentistes auxquels il était destiné et, comme Ravel, Jolivet a joué un rôle essentiel dans l'évolution de la technique instrumentale et vocale. Ses dernières partitions s'adressent à des formations restreintes : La Flèche du temps (12 cordes solistes, 1973) et Yin-Yang (11 cordes solistes, 1974). Œuvres à thème, elles sont bâties sur les idées forces qui ont servi de jalon à la production de Jolivet : le temps qui passe trop vite, comme une flèche, la dualité et l'unité sublimées, confondues par la pensée musicale.

Au cours des deux dernières années de sa vie, il travaille à un opéra sur un livret de Marcel Schneider, Le Lieutenant perdu, que Rolf Liebermann lui avait commandé pour l'Opéra de Paris. L'ouvrage reste inachevé ; seuls les deux premiers actes sont pratiquement terminés. Une suite en a été tirée, et créée en 1982 sous le titre de Bogomilè.

La production d'André Jolivet se situe à une place isolée dans la musique du xxe siècle. Elle était pour lui la vibration même du monde et il est peut-être l'un des seuls à avoir compris qu'au-delà d'un simple divertissement, au-delà d'une pensée[...]

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

Classification

Pour citer cet article

Alain PÂRIS. JOLIVET ANDRÉ (1905-1974) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • DANIEL-LESUR DANIEL JEAN-YVES LESUR dit (1908-2002)

    • Écrit par
    • 901 mots

    Le nom de Daniel-Lesur reste associé à ceux d'Olivier Messiaen, André Jolivet et Yves Baudrier, avec lesquels il fonda le groupe Jeune France. Mais il fut aussi, au côté de Marcel Landowski, l'un des bâtisseurs de la vie musicale française à partir des années 1960.

    De son véritable...

  • ERLIH DEVY (1928-2012)

    • Écrit par
    • 348 mots

    Le violoniste, compositeur et chef d'orchestre Devy Erlih fut l'un des grands interprètes d'André Jolivet et un promoteur infatigable de la musique de son temps.

    Né le 5 novembre 1928 à Paris, dans une famille juive originaire de Bessarabie, Devy Erlih apprend le violon à l'oreille...

  • JEUNE FRANCE GROUPE, musique

    • Écrit par
    • 745 mots

    Les années qui ont suivi la Première Guerre mondiale ont vu la plupart des compositeurs réagir contre les courants esthétiques qui avaient marqué la fin du xixe siècle et le début du xxe, essentiellement contre le wagnérisme et l'impressionnisme. Chacun à leur façon, Stravinski, Satie, le...