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ADDISON JOSEPH (1672-1719) & STEELE RICHARD (1672-1729)

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Addison était l'homme de son temps : il ne pouvait naître plus tôt, ni mourir plus tard. Maître ironiste, il atténue d'un soupçon de bienveillance l'acidité de son esprit, atteignant à l'humour par les voies de la raison. Maître styliste, dont la coquetterie consiste à ne laisser dans ses écrits aucune trace de la peine qu'ils lui ont coûtée, il ne travaille qu'en demi-teinte et par touches légères. Tout s'équilibre en lui, se compense par un jeu de débit et crédit aussi rigoureux que celui des grandes maisons de commerce dont il fut le premier attaché de presse. L'originalité s'accommode des idées reçues, l'audace puise ses forces dans la prudence, la sérénité dans l'inquiétude. Il déteste l'affectation, surtout chez les autres : il n'affecte, d'ailleurs, que la simplicité. Très sensible au qu'en-dira-t-on, il n'a peur que du ridicule. C'est un grand bourgeois.

Steele est l'homme d'hier et de demain. Son époque lui va aussi mal qu'un pourpoint « dernier cri » acheté d'occasion. Il a l'impertinence et la désinvolture, les manières un peu affectées d'un survivant repenti de la Restauration ; mais dans ses effusions, par sa veine moralisatrice, c'est un précurseur des romantiques. Il cherche moins à polir son langage et sa pensée qu'à huiler les relations entre les hommes. On n'avait jamais mis autant de talent à faire parler les gens de toute condition, surtout les femmes. Car il restera le confesseur du beau sexe. Sans doute lui fait-il un peu la leçon, le confine-t-il dans les rôles successifs de fille, de sœur, d'épouse et de mère. Au demeurant, Steele manque parfois de tact ; il est souvent sirupeux et prolixe. Il n'a pas la maîtrise ni le doigté de son illustre ami. Il ne prend jamais le temps d'être bref et la patience lui manque pour être tout à fait génial. Mais quel charme, quelle présence ! Sa candeur nous désarme et sa chaleur se communique encore à nous.

C'est grâce à lui que cette Maison de la Presse qu'Addison et Steele ont édifiée pour nous, dans une heure faste de leur amitié, n'est pas trop froide dans son architecture.

— Alexandre MAUROCORDATO

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Alexandre MAUROCORDATO. ADDISON JOSEPH (1672-1719) & STEELE RICHARD (1672-1729) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par , , , , , et
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    Avec Joseph Addison (1672-1719), le classicisme anglais atteint son apogée. Mais il faut distinguer le classicisme de Swift de celui d'Addison. Dans Swift la forme cristalline revêt un fond trouble, inquiétant, bien loin de la sérénité de l'idéal classique. The Spectator (1711-1714),...
  • ESQUISSE, genre littéraire

    • Écrit par
    • 244 mots

    Description divertissante d'un aspect du mode de vie d'un pays, généralement écrite à l'intention de lecteurs étrangers par quelqu'un qui se trouve sur place. Le portrait littéraire se présente comme une variante de l'esquisse. De style concret et journalistique, l'esquisse est moins dramatique,...

  • POPE ALEXANDER (1688-1744)

    • Écrit par
    • 1 862 mots
    • 1 média
    ...spirituel Wycherly et l'exigeant Walsh, il fait déjà preuve d'invention et de rigueur. Son Essay on Criticism (1711) le fait pénétrer dans le cercle d' Addison et de ceux qui fréquentent le célèbre café Will's. Sa vie ne sera dès lors qu'une suite de succès entrecoupée de violentes querelles avec ses confrères...