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CATASTROPHES THÉORIE DES

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Les solutions archétypales

Les points catastrophiques

Projection d'un plan «.plissé.», 1 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Projection d'un plan «.plissé.», 1

Partons d'un problème géométrique résolu par Whitney : ce problème est à l'origine de la théorie des catastrophes, celui de la classification des applications différentiables du plan sur le plan. Pour s'en faire une image, on peut le remplacer par celui (différent mais du même ordre) de la classification des projections π d'un plan « plissé » Σ sur un plan de base Ω.

Les triplets (Σ, Ω, π) sont les éléments d'un « espace » F (de dimension infinie) dont il s'agit d'analyser la structure. La première grande idée est de travailler qualitativement (phénoménologiquement). Quelles sont à ce niveau les caractéristiques d'une projection (Σ, Ω, π) ? Au-dessus de la plupart des points ω de Ω la situation est localement la suivante :

Il est un « décalque » de Σ sur Ω (un difféomorphisme local). Ce cas ne fournit aucune information. L'information est donc fournie par l'ensemble des points (exceptionnels) de Ω où la situation n'est pas du type précédent.

Un « coup d'œil » jeté sur la figure montre que ces points – dits points catastrophiques – sont la projection des points de Σ – dits points critiques – où la direction de projection est tangente à Σ (on peut définir ces points intrinsèquement, indépendamment de tout plongement de Σ dans un espace ambiant).

Projection d'un plan « plissé », 2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Projection d'un plan « plissé », 2

Phénoménologiquement, (Σ, Ω, π) se réduit donc au lieu critique C de π dans Σ et à sa projection K = π(C) sur Ω (dit lieu ou ensemble catastrophique de π), c'est-à-dire à ce que l'on appelle le contour apparent de Σ sur Ω relativement à π (on remarquera d'ailleurs que la seule façon de dessiner π est de dessiner son contour apparent). La question se pose alors de classifier ces contours apparents. Mais cette tâche est encore trop difficile. Ici intervient une autre grande idée, qui est celle de la stabilité structurelle. Intuitivement, la projection (Σ, Ω, π) est structurellement stable si elle est invariante par petite déformation. Par exemple, la situation décrite par la figure est stable, alors que la projection d'un plan Σ vertical sur un plan horizontal Ω est hautement instable.

L'idée est que la stabilité structurelle impose une contrainte drastique à la complexité morphologique locale de la situation. Dans l'exemple précédent – qui est structurellement stable –, il n'existe que deux types de situation locale :

Projection d'un pli - crédits : Encyclopædia Universalis France

Projection d'un pli

– celle de la catastrophe dite pli (figure : un point pli),

Projection de deux plis - crédits : Encyclopædia Universalis France

Projection de deux plis

– celle de la catastrophe plus complexe, dite cusp ou fronce, point commun d'évanouissement de deux plis (figure : un point cusp).

Le théorème de Whitney

Projection de quatre plis - crédits : Encyclopædia Universalis France

Projection de quatre plis

Il s'agit là d'une propriété générale. Le grand théorème de Whitney dit en effet que, si l'on considère une application différentiable du plan sur le plan qui soit structurellement stable, les deux seules situations locales non triviales qui peuvent intervenir sont celles du pli et du cusp. Globalement, le lieu critique C de π est une courbe régulière (sans singularités) de Σ dont l'image K est une ligne (de points plis) ne pouvant admettre comme singularités que des cusps ou des self-intersections transversales, correspondant à des singularités semi-locales (figure : situation globale avec self-intersections).

C'est ce théorème de Whitney que Thom s'est proposé de généraliser à tout espace de formes. Mathématiquement, les deux types de formes que l'on a analysés jusqu'ici dans cette perspective sont essentiellement les applications différentiables entre variétés différentiables (théorie de Thom-Mather) et les champs de vecteurs sur une variété (théorie de Smale-Takens). Dans cette généralisation, on rencontre à chaque pas des difficultés techniques très sérieuses, mais on peut y repérer quelques intuitions assez simples qui ont progressivement acquis un[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'Ecole polytechnique, docteur es lettres et sciences humaines, vice président de l'International Association for Semiotic Studies, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.

Classification

Pour citer cet article

Jean PETITOT. CATASTROPHES THÉORIE DES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Médias

Projection d'un plan «.plissé.», 1 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Projection d'un plan «.plissé.», 1

Projection d'un plan « plissé », 2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Projection d'un plan « plissé », 2

Projection d'un pli - crédits : Encyclopædia Universalis France

Projection d'un pli

Autres références

  • STABILITÉ STRUCTURELLE ET MORPHOGENÈSE (R. Thom)

    • Écrit par
    • 364 mots
    • 1 média

    En 1972, le mathématicien René Thom (1923-2002, médaille Fields 1958) publie Stabilité structurelle et morphogénèse, sous-titré « Essai d'une théorie générale des modèles ». Cet ouvrage s'adresse « aux spécialistes de disciplines jusqu'à présent rebelles à toute mathématisation, comme la biologie...

  • FORME

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    ...continûment. Par définition, les w réguliers engendrent un ouvert U de W. Si w ∈ U, le substrat est qualitativement homogène localement en w. Les points non réguliers w ∉ U sont dits singuliers ou « catastrophiques ». Ils engendrent le fermé K de W complémentaire de U dans W. Si ...
  • MATHÉMATIQUE ÉPISTÉMOLOGIE DE LA

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    ...dérivé une vision « ontologique » faisant écho à l'héraclitéisme antique, à l'idée que « tout coule » et que « le conflit est le père de toutes choses ». Sa vision de ce qu'il appela théorie des catastrophes unifiait tous les faits d'organisation observables dans la nature, aussi bien du côté de la...
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    ...quantités. La représentation des différences de qualités sensibles peut fort bien être représentée par des propriétés non métriques d'objets abstraits. Les modèles dits « catastrophiques », à la René Thom, par exemple, peuvent représenter des changements proprement qualitatifs du perçu-rupture, passage brusque...
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    ...de la construction d'une structure abstraite locale « au-dessus » d'une phénoménologie. C'est cette voie qu'empruntent les théories morphologiques. La théorie des catastrophes rend compte d'une morphologie empirique, par nature globale, par l'intermédiaire d'un logos, qui est une structure...