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SYLLOGISME

Valeur du syllogisme

Depuis le début des Temps modernes, le syllogisme a été souvent en butte aux critiques, voire aux railleries. Seul parmi les grands philosophes, Hegel lui accordera une place importante, encore que d'un point de vue tout à fait étranger à la logique formelle, dans sa Science de la logique : retenant la fonction médiatrice du syllogisme, il en fera le troisième moment de la logique du concept, celui où le concept retrouve son unité, mais cette fois médiatisée, par delà la dissociation opérée par le jugement. D'un point de vue logique, on a surtout reproché au syllogisme de reposer sur une pétition de principe (argument de J. Stuart Mill, et déjà du sceptique Sextus Empiricus à la fin de l'Antiquité) : la vérité de la majeure (par exemple, tous les hommes sont mortels) supposerait celle de la conclusion (Socrate, qui est l'un des hommes, est mortel). À quoi l'on doit répondre que cette objection n'a de valeur que si les propositions sont interprétées en extension. Du point de vue de la compréhension, la vérité de la majeure peut et doit être établie sans que la connaissance de la conclusion soit requise.

On a aussi reproché au syllogisme son inutilité pour la science. À ce propos, on doit rappeler qu'Aristote n'accordait de rôle au syllogisme que pour l'exposition de la science achevée ; dans la science en train de se faire, l'important est moins de tirer des conclusions que de découvrir des prémisses et surtout des moyens termes, découverte qui obéit à des règles relevant plus de la dialectique au sens large que de la syllogistique. Certains auteurs du xixe siècle ont néanmoins essayé de montrer l'utilité spécifique de chaque figure du syllogisme pour le travail de la science. Selon C. S. Peirce, la fonction du syllogisme comporterait trois aspects : affirmation de la loi, établissement d'un cas, application de la loi au cas. La première figure suivrait cet ordre même ; la deuxième conclurait, la loi étant donnée, de la négation de l'application à la négation du cas ; la troisième, le cas étant donné, de la négation de l'application à la négation de la loi.

En fait, la syllogistique d'Aristote n'a exercé tant d'influence durant des siècles et ne suscite encore aujourd'hui tant de discussions chez les logiciens (J. Lukasiewicz, J. M. Bochenski, G. Patzig, entre autres) que parce qu'elle a été la première tentative pour établir une théorie logique sur des bases axiomatiques. La logique moderne a moins supplanté la syllogistique qu'elle n'en a reconnu les limites exactes : la syllogistique est un cas particulier de la logique des classes, qui n'est elle-même qu'une partie de la logique formelle en général.

— Pierre AUBENQUE

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Pour citer cet article

Pierre AUBENQUE. SYLLOGISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    ...qu'être de thématiser. Mais les Topiques ont un autre intérêt. Ils font allusion à un procédé de raisonnement qu'Aristote y dénomme déjà syllogismeet qui se caractérise, les prémisses étant posées, par le caractère contraignant de la conclusion qu'on en déduit. « Le syllogisme est un discours...
  • ARISTOTÉLISME

    • Écrit par Hervé BARREAU
    • 2 242 mots
    • 1 média
    ...vraie. La science doit porter, en outre, sur ce qui est nécessaire. C'est pourquoi elle doit adopter un type de raisonnement qu'Aristote a appelé le syllogisme catégorique. Selon ce raisonnement, à partir de deux prémisses posées comme vraies, on peut déduire nécessairement une conclusion vraie,...
  • DÉMONSTRATION (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 085 mots
    La logique d’Aristote établit les principes du discours cohérent par le biais des règles du syllogisme, ce raisonnement qui tire une conclusion de deux prémisses ( des propositions posées initialement dont on suppose la vérité), en associant deux à deux trois termes différents. L'un des termes, appelé...
  • DIALLÈLE

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 463 mots

    Raisonnement erroné qui a été repéré et thématisé par les philosophes grecs, notamment les sceptiques. Diallèle est la transcription de diallèlos, nom grec de ce qu'on appelle aussi « cercle vicieux » ou « inférence réciproque », et qui consiste à définir un terme ou à démontrer une proposition...

  • Afficher les 17 références

Voir aussi