Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ORIENT QUESTION D'

La fin de l'Empire ottoman (1878-1923)

Jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman parcourt, étape après étape, en Europe comme en Asie, le chemin qui le conduit à sa disparition inéluctable, voulue par la Russie, et un moment retardée par les autres puissances européennes. Mais lorsque approche l'hallali, chacune veut être présente au partage du butin.

Dans les dernières années du xixe siècle, tandis que la Bulgarie acquiert peu à peu sa personnalité politique, c'est la Macédoine – encore sous suzeraineté turque – qui apparaît au cœur des conflits balkaniques (1886, 1893, 1903). Simultanément, la Grèce favorise l'éclosion d'incidents en Crète, ce qui provoque une guerre avec les Turcs : l'intervention des grandes puissances sauve les Grecs de la catastrophe (1897). Sur le plan économique l'Empire ottoman est de plus en plus étroitement soumis à la tutelle étrangère ; en 1881, la Banque ottomane devient banque d'État, cependant que, pour obliger le gouvernement turc à s'acquitter de ses dettes, les grandes puissances créent l'administration de la Dette publique, qui prend en monopole les principales sources de revenus du pays.

Abdul-Hamid II cherche un bouc émissaire aux malheurs de la Turquie et pense l'avoir trouvé dans la communauté arménienne : prenant prétexte de certaines actions violentes de celle-ci, il déclenche les terribles massacres de 1894 en Anatolie orientale et de 1896 à Constantinople ; mais cela ne paraît pas redonner vigueur à la politique panislamiste ; en effet, les provinces arabes, poussées par les Anglais et, à un degré moindre, par les Français, songent à secouer la tutelle ottomane.

Les Jeunes-Turcs et les guerres balkaniques

C'est dans cette ambiance de crise qu'éclate l'insurrection des Jeunes-Turcs (24 juillet 1908) qui rassemblent au sein des comités « Union et Progrès » officiers et intellectuels libéraux et nationalistes. Abdul-Hamid II doit rétablir la Constitution de 1876 ; puis, ayant échoué dans une tentative de restauration de l'absolutisme, il abdique et laisse le terrain libre aux Jeunes-Turcs. Ceux-ci, contraints par les circonstances extérieures, doivent abandonner leur libéralisme et recourir à l'autoritarisme et, ce qui est plus grave, à l'ultranationalisme turc, ce qui interdit toute entente avec les minorités de l'Empire et notamment avec les Arabes. De 1908 à 1914, une série de catastrophes s'abat sur les Turcs. En octobre 1908, l'empereur d'Autriche annexe la Bosnie et l'Herzégovine puis, en avril 1909, le roi Ferdinand proclame l'indépendance de la Bulgarie.

En septembre 1911, les Italiens, à la suite d'accords conclus avec les Anglais, les Français et les Allemands, débarquent en Tripolitaine, dont le traité d'Ouchy (octobre 1912) leur reconnaît la possession. Enfin, en octobre 1912, Bulgares, Serbes et Grecs déclenchent en commun la première guerre balkanique contre les Turcs qui, vaincus, doivent céder la quasi-totalité de leurs territoires européens (traité de Londres, mai 1913) ; mais les États balkaniques ne peuvent s'entendre sur le partage des dépouilles et provoquent une deuxième guerre balkanique, à l'issue de laquelle les Turcs récupèrent la Thrace orientale et Andrinople.

Empire ottoman, recul turc en Europe, XX<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Empire ottoman, recul turc en Europe, XXe siècle

Siège d’Andrinople, 1913 - crédits : Topical Press Agency/Getty Images

Siège d’Andrinople, 1913

Par ailleurs, au sein de l'Empire ottoman, la Grande-Bretagne et l'Allemagne se trouvent en conflit sur deux terrains : d'une part, l'Allemagne, devenue très influente à Constantinople, cherche à poursuivre sa marche vers l'est et, à cause du projet du « Bagdad Bahn », inquiète fortement les Anglais, toujours soucieux de protéger leurs positions asiatiques ; d'autre part surgit la concurrence dans la recherche et l'exploitation de la nouvelle richesse du Proche-Orient, le pétrole, découvert depuis peu en Iran et en Irak ; dans cette dernière région,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I

Classification

Pour citer cet article

Robert MANTRAN. ORIENT QUESTION D' [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

1800 à 1850. Indépendances américaines - crédits : Encyclopædia Universalis France

1800 à 1850. Indépendances américaines

Guerre de Crimée, R. Fenton - crédits : Roger Fenton/ Getty Images

Guerre de Crimée, R. Fenton

Traité de San Stefano - crédits : AKG-images

Traité de San Stefano

Autres références

  • MOUVEMENT DES NATIONALITÉS DANS L'EUROPE BALKANIQUE ET DANUBIENNE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Vincent GOURDON
    • 479 mots

    1774 Le traité de Kutchuk-Kaïnardji, qui met fin à la guerre russo-turque (1768-1774), donne aux Russes un droit de protection sur les chrétiens des Balkans.

    1821 Déclenchement de la révolte anti-ottomane à partir des provinces danubiennes, à l'initiative des sociétés secrètes helléniques....

  • BALKANS ou PÉNINSULE BALKANIQUE

    • Écrit par Jean AUBOUIN, Michel ROUX
    • 7 514 mots
    • 1 média
    Cedernier processus, encouragé et contrôlé par les puissances européennes, ruine la domination ottomane dans les Balkans. La Grèce est indépendante dès 1830 ; l'émancipation de la Serbie, amorcée en 1815, est parachevée par le congrès de Berlin (1878), qui reconnaît son indépendance...
  • CRIMÉE (GUERRE DE)

    • Écrit par William Peter Jackson SMITH
    • 496 mots
    • 2 médias

    Conséquence de la politique menée par Napoléon III pour essayer de rompre la coalition européenne qui, depuis 1815, réduit le rôle de la politique étrangère de la France. Envisageant certains remaniements de frontières, avec l'accord de l'Angleterre et de la Russie, et voulant engager l'intérêt...

  • ÉGYPTE - L'Égypte coloniale

    • Écrit par Nada TOMICHE
    • 6 549 mots
    • 14 médias
    ...victoires égyptiennes et fait peser une seconde menace sur Constantinople. Mais, prenant vigoureusement parti pour la Turquie dans ce qu'on appelle la « question d'Orient », c'est-à-dire la lutte ouverte entre la Porte et l'Égypte, l'Angleterre, la Russie, l'Autriche...
  • GRÈCE - De la Grèce byzantine à la Grèce contemporaine

    • Écrit par Jean CATSIAPIS, Universalis, Dimitri KITSIKIS, Nicolas SVORONOS
    • 21 411 mots
    • 12 médias
    ...libéralisme européen, menaçaient l'entente fragile de la France et de l'Angleterre autour du principe légitimiste de la Sainte Alliance, d'autant plus que ces deux puissances étaient en complet désaccord sur laquestion d'Orient. Il a donc fallu en venir à un compromis pour régler la question grecque.
  • Afficher les 10 références

Voir aussi