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PASOLINI PIER PAOLO (1922-1975)

Le cinéma à contre-courant

Franco Citti - crédits : Pea/ Artistes Associes/ The Kobal Collection/ Aurimages

Franco Citti

Abusivement tenu pour un continuateur anachronique du néo-réalisme avec sa première trilogie de films romains (Accattone, 1961 ; Mamma Roma, 1962 ; La Ricotta, court-métrage, 1963) Pasolini n'a rien non plus d'un « cinéaste moderne ». Singulier parmi les auteurs de son temps (Uccellacci e uccellini, 1966 ; Théorème, 1968 ; Porcherie, 1969 ; Salò, 1975, restent des œuvres inactuelles), il laisse complètement de côté les formes de contestation du classicisme hollywoodien, y compris celles liées au « nouveau cinéma », qu'il décrit avec un œil théorique critique sous le vocable du « cinéma de poésie ».

Maria Callas - crédits : Keystone Features/ Hulton Archive/ Getty Images

Maria Callas

À ce bond dans l'avenir qui le rend objectivement, comme il le désirait, « plus moderne que tous les modernes », correspond un bond dans le passé (L'Évangile selon saint Matthieu, 1965 ; Œdipe roi, 1967 ; Médée, 1970 ; la « trilogie de la vie » avec Le Décaméron, 1971, Les Contes de Canterbury, 1972, et Les Mille et Une Nuits, 1974). Et, hormis le plus petit dénominateur narratif et figuratif commun qui place ses films dans un cadre non expérimental de réception, jamais son cinéma ne verse dans les formes classiques, « américaines », de représentation du monde, formes canoniques qui l'ennuyaient profondément comme en attestent ses premières critiques de cinéma (il Reporter, 1959-1960). On peut sérieusement penser aujourd'hui que l'expérimentation des codes correspond, pour le cinéma, à la carrière de scénariste de Pasolini (trente-quatre collaborations entre 1954 et 1962), notamment avec Fellini et Bolognini. C'est sur ce métier, contredit par l'ingénuité technique du nouveau réalisateur et l'« impureté » de ses références littéraires et picturales très savantes – nourries de la lecture de ses deux « maîtres », le critique et philologue Gianfranco Contini, l'historien d'art Roberto Longhi –, que se développe l'hérésie d'un cinéma resté unique en son genre, comme en témoignent encore les deux merveilleux courts-métrages en couleurs : La Terre vue de la lune (1966) et Que sont les nuages ? (1967), ou le dernier film, Salò, ou les Cent Vingt Journées de Sodome, sorti en 1975, après la mort de son auteur, et qui déplace l'utopie sadienne dans un épisode historique sordide de l'histoire italienne.

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Écrit par

  • : maître de conférences d'esthétique du cinéma à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot

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Pour citer cet article

Hervé JOUBERT-LAURENCIN. PASOLINI PIER PAOLO (1922-1975) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pier Paolo Pasolini - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Pier Paolo Pasolini

Franco Citti - crédits : Pea/ Artistes Associes/ The Kobal Collection/ Aurimages

Franco Citti

Maria Callas - crédits : Keystone Features/ Hulton Archive/ Getty Images

Maria Callas

Autres références

  • POÉSIE EN FORME DE ROSE, Pier Paolo Pasolini - Fiche de lecture

    • Écrit par Bernard SIMEONE
    • 706 mots
    • 1 média

    Si l'on excepte ses poèmes en dialecte frioulan, Poésie en forme de rose est le quatrième recueil de Pier Paolo Pasolini (1922-1975). Il paraît en 1964, année cruciale pour l'auteur puisqu'elle correspond à la sortie de son film L'Évangile selon saint Matthieu, qui confirme...

  • THÉORÈME, film de Pier Paolo Pasolini

    • Écrit par Jacques AUMONT
    • 977 mots

    Pasolini (1922-1975) était accoutumé à déclencher le scandale, avec ses poésies ou ses romans, avec ses films, avec sa vie. Attaqué en justice pour offense à la religion (La Ricotta, 1963), il multiplie les précautions pour filmer son Évangile selon saint Matthieu (Il vangelo secondo Matteo...

  • BERTOLUCCI BERNARDO (1941-2018)

    • Écrit par René MARX
    • 1 067 mots
    • 2 médias

    L'œuvre de Bernardo Bertolucci, marquée par le formalisme, un souci de l'histoire et de la politique jamais démentis, est portée par une interrogation sur l'identité, l'existence de l'individu et son annihilation possible par la perte même de cette identité. Seul cinéaste italien à succès avec ...

  • BETTI LAURA (1934-2004)

    • Écrit par Jean A. GILI
    • 757 mots

    Provocante et égotique, qualifiée par Pasolini de « pionnière de la contestation », l'actrice italienne Laura Betti a traversé son temps avec passion. De son vrai nom Laura Trombetti, elle est née dans la même ville que le cinéaste, à Bologne. Venue à Rome, elle se fait connaître...

  • BOLOGNINI MAURO (1922-2001)

    • Écrit par Christian VIVIANI
    • 742 mots

    Mauro Bolognini est né à Pistoia en 1922. Après des études d'architecture, il s'oriente vers le cinéma en suivant la voie traditionnelle de l'assistanat, en France et en Italie. Il débute en 1953 avec Ci troviamo in galleria, une comédie, genre alors très en vogue. Fort de ce succès...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    Pier Paolo Pasolini, écrivain, poète, cinéaste, est sans doute le plus bel exemple de cette indépendance. Comme Godard en France, il s'ingénie à briser toutes les conventions du spectacle cinématographique. Dans ses films, toutes les formes des cultures les plus diverses, toutes les mythologies, toutes...
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Voir aussi