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RELIGIEUSE CHRÉTIENNE MUSIQUE

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Musique religieuse ou musique sacrée ?

Des origines jusqu'à la fin du xviiie siècle, aucune distinction n'est faite entre le religieux et le sacré, sacer désignant ce qui est consacré au dieu et soustrait à l'usage du quotidien. Les chorals liturgiques de Bach, par exemple, témoignent de la présence du transcendant. Une intensité dans la louange, une admiration (le mirum), un sens de la majesté touchent ici à l'inépuisable. Malgré leur aspect théâtral, les dix-sept messes de Mozart, elles-mêmes, participent, comme d'ailleurs tout l'œuvre du musicien, aux « actes » d'un drame spirituel, drame au cœur duquel se trouve le sacré. Toutefois, durant le xixe siècle, la musique liturgique d'une part, celle dont Berlioz critique la froide impassibilité, la comparant à une statue, les œuvres des musiciens d'église d'autre part, cèdent à un formalisme stérile. À la notion de musique religieuse se juxtapose celle de musique sacrée, mise en relief par les grands romantiques. On essaie de pallier un manque, une impossibilité d'exprimer ce qui, selon l'Écriture, a été imprimé.

César Franck - crédits : Rischgitz/ Hulton Archive/ Getty Images

César Franck

Aujourd'hui, deux tendances s'affirment. L'une, à la suite des musiciens de l'espérance (César Franck, Charles Tournemire, André Caplet), prend position pour un sacré qui, jaillissant de tous côtés, conteste le positivisme scientiste. Ainsi, Olivier Messiaen, dont l'œuvre est construit comme une géographie sacrée, a composé, sous forme d'opéra, une sorte d'incantation qui associe le bruissement de la nature à saint François d'Assise (1983). André Jolivet, Henri Tomasi et, parmi les plus jeunes, Pierre Henry et Karlheinz Stockhausen retrouvent le tremblement, le fascinans des temps bibliques. L'autre tendance, celle qu'adopte la musique liturgique de l'Église catholique, considère le son, non comme un héraut de la beauté, mais comme un agent de liaison ; elle l'assimile aux moyens de diffusion appelés mass media. Sous les voûtes de la cathédrale, un chant étranger au sacré, c'est-à-dire exclusivement fonctionnel, s'élève, plus physique que mystique.

Et, pourtant, la définition de la musique religieuse donnée plus haut ne se réfère point à une rupture du sacré et du religieux. Elle souligne, au contraire, que la musique témoigne d'une orientation vers la lumière et que, signifiant du signifié, elle relie l'action rituelle, la part humaine, au spirituel, la part divine. Dans cette voie, citons la Messe cum jubilo de Maurice Duruflé (1966), celle de Montferrat avec quatuor vocal et orgue de Xavier Darasse (1981), le Requiemde Renaud Gagneux, exécuté par l'orchestre et le chœur de Radio-France au festival d'Art sacré de la Ville de Paris (1982), la Missa puerorum avec chœur d'enfants et deux trombones d'Aurel Stroe (1983). Bien qu'il soit difficile, à la fin du xxe siècle, d'unir ce qui doit être uni, nous avancerons, à l'appui de notre thèse, les noms de Claude Ballif et de Krzysztof Penderecki : leurs œuvres paraliturgiques se situent du côté de ce que nous nommons « expression religieuse ».

— Jacques PORTE

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Écrit par

  • : musicologue
  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, professeur à l'Institut catholique de Paris, docteur ès lettres et sciences humaines

Classification

Pour citer cet article

Jacques PORTE et Edith WEBER. RELIGIEUSE CHRÉTIENNE MUSIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Lully - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Lully

Vincent d'Indy - crédits : Stefano Bianchetti/ Corbis/ Getty Images

Vincent d'Indy

César Franck - crédits : Rischgitz/ Hulton Archive/ Getty Images

César Franck

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