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MI FU[MI FOU](1051-1107)

Une nouvelle conception de la peinture

Dans sa peinture, Mi Fu renoue donc avec Dong Yuan et Juran, consacrant ainsi de façon définitive leur leçon qui était tombée un moment en déshérence. Mais il réinterprète leur art de manière très personnelle, en le simplifiant et en l'allégeant ; pour lui, en effet, il s'agit d'éliminer de la peinture les éléments spécialisés de « métier » pour la transformer en une pure écriture : il réduit la peinture à un « jeu d'encre » sur lequel les exigences de la technique et celles de la figuration réaliste cessent de peser. Son registre est étroit et semble s'être limité à un seul type de paysage, les « montagnes embrumées ». Sa plus fameuse innovation technique, les « points à la manière de Mi », constitue une manière audacieuse d'abréger les procédés d'exécution : un simple jeu de larges taches se substitue aux contours et aux « rides », sert indifféremment à jeter la silhouette d'une montagne ou à suggérer un feuillage. Son ami Su Dongpo usait du même genre de raccourcis désinvoltes dans ses improvisations de bambous enlevés d'un seul coup de pinceau, au mépris des préceptes traditionnels. Pour ces lettrés, la réalité n'est plus qu'un prétexte à extérioriser leurs élans intérieurs ; l'écran de la matière et des techniques est rendu le plus mince possible : que plus rien ne vienne alourdir ou brouiller sur le papier cette « empreinte du cœur » instantanée, immédiate, qui fait dorénavant l'objet unique de la peinture. La valeur de l'œuvre n'est plus déterminée par les moyens du peintre, mais par la qualité spirituelle de son inspiration : ce qui importe uniquement, c'est l'être esthétique, dont la peinture n'est que l'émanation naturelle, spontanée et occasionnelle. Mi Fu (comme Su Dongpo) produisit donc assez peu : soixante ans à peine après sa mort, un critique constatait déjà que ses œuvres s'étaient faites rarissimes. Aujourd'hui, il n'en subsiste plus un seul original. On ne connaît son art qu'à travers les œuvres de son fils, Mi Youren (1086-1165), peintre beaucoup plus prolifique qui continua le style de son père avec une grande fidélité mais un moindre génie.

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Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

Classification

Pour citer cet article

Pierre RYCKMANS. MI FU [MI FOU] (1051-1107) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINOISE CIVILISATION - Les arts

    • Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Michel NURIDSANY, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Pierre RYCKMANS, Alain THOTE
    • 54 368 mots
    • 37 médias
    ...et peintre, un style de cour se crée, réaliste et décoratif, d'un esprit opposé aux recherches de cénacle des lettrés contemporains. Parmi ces lettrés, Mi Fu (1051-1107), grand calligraphe, ne se mit à peindre qu'à la fin de sa vie, faisant appel à son expérience calligraphique pour évoquer la nature,...
  • GAO KEGONG [KAO K'O-KONG] (1248-?)

    • Écrit par Ching-lang HOU
    • 393 mots

    En Chine, la peinture de paysage dans le style des lettrés connaît son épanouissement pendant la dynastie des Yuan (1280-1368). Les quatre grands maîtres (Huang Gongwang, Wu Zhen, Ni Zan, Wang Meng), considérés à partir de l'époque Ming comme les novateurs du xive siècle, respectaient...

  • NI ZAN [NI TSAN] (1301-1374)

    • Écrit par Pierre RYCKMANS
    • 1 512 mots
    ...grands paysagistes du xe siècle, Dong Yuan avant tout, le maître du paysage méridional dont s'était réclamée l'école lettrée depuis Mi Fu, et que Zhao Mengfu avait à nouveau proposé comme modèle dès le début de l'époque Yuan ; mais il a également étudié Jing Hao, Guan Tong et ...

Voir aussi