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MI FU[MI FOU](1051-1107)

Le connaisseur et le critique

Une dévotion totale, intransigeante et passionnée aux valeurs esthétiques, telle est la clé de la personnalité de Mi Fu, le principe unificateur de son activité multiforme : activité d'écrivain et de poète, de collectionneur, de critique et d'expert, de calligraphe et de peintre. En ce qui concerne l'écrivain, le principal recueil de ses œuvres en prose et en vers, le Shan lin ji, en cent fascicules, a malheureusement disparu. Dans le domaine de la critique, de l'expertise et de la théorie esthétique, il a laissé deux ouvrages consacrés l'un à la peinture et l'autre à la calligraphie, fruits de son expérience de collectionneur ; il inaugura ainsi un genre littéraire nouveau, les « notes de collectionneur », qui devait prendre un très large développement dans la suite. Il était lui-même un collectionneur acharné, capable à l'occasion d'aller jusqu'à la fabrication de faux, au chantage et au vol pour satisfaire sa passion. Son jugement critique est pénétrant et s'appuie sur une immense érudition, mais ses jugements de valeur, dictés par des critères très personnels et exigeants, donnent souvent dans l'excès et l'intransigeance partisane : il apporte ici comme en toute chose une sorte d'arrogance cassante et péremptoire, une absence de réserve et de nuance qui sont l'effet non de sa suffisance mais plutôt de la conscience qu'il avait d'être le serviteur et le défenseur d'un absolu esthétique ne pouvant tolérer nul compromis. Il rejette avec violence l'art académique dérivé de Huang Quan – peintre qui, selon lui, était « juste bon à barbouiller les murs des gargotes » – avec sa virtuosité technique et son idéal de minutie réaliste et décorative ; c'est à peine s'il mentionne Li Sixun ; même à l'égard de l'école des grands paysagistes nordistes du xe siècle – Guan Tong, Fan Kuan et Li Cheng – il conserve une certaine distance : la rigueur, l'élaboration sévère de leur art lui restent assez étrangères. Les valeurs qu'il prise avant tout sont le naturel, la naïveté, la spontanéité, le rejet de toutes les habiletés apprises. Il oppose ainsi le primitivisme de Gu Kaizhi à l'habileté de Wu Daozi, la simplicité de Dong Yuan et de Juran à la solennité des paysagistes du Nord. C'est qu'il est lui-même essentiellement un homme du Sud, en communion avec les paysages méridionaux, plus intimes et amènes dans leur grâce voilée.

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Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

Classification

Pour citer cet article

Pierre RYCKMANS. MI FU [MI FOU] (1051-1107) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINOISE CIVILISATION - Les arts

    • Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Michel NURIDSANY, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Pierre RYCKMANS, Alain THOTE
    • 54 368 mots
    • 37 médias
    ...et peintre, un style de cour se crée, réaliste et décoratif, d'un esprit opposé aux recherches de cénacle des lettrés contemporains. Parmi ces lettrés, Mi Fu (1051-1107), grand calligraphe, ne se mit à peindre qu'à la fin de sa vie, faisant appel à son expérience calligraphique pour évoquer la nature,...
  • GAO KEGONG [KAO K'O-KONG] (1248-?)

    • Écrit par Ching-lang HOU
    • 393 mots

    En Chine, la peinture de paysage dans le style des lettrés connaît son épanouissement pendant la dynastie des Yuan (1280-1368). Les quatre grands maîtres (Huang Gongwang, Wu Zhen, Ni Zan, Wang Meng), considérés à partir de l'époque Ming comme les novateurs du xive siècle, respectaient...

  • NI ZAN [NI TSAN] (1301-1374)

    • Écrit par Pierre RYCKMANS
    • 1 512 mots
    ...grands paysagistes du xe siècle, Dong Yuan avant tout, le maître du paysage méridional dont s'était réclamée l'école lettrée depuis Mi Fu, et que Zhao Mengfu avait à nouveau proposé comme modèle dès le début de l'époque Yuan ; mais il a également étudié Jing Hao, Guan Tong et ...

Voir aussi