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LANGHOFF MATTHIAS (1941- )

Une vocation de décorateur

Fréquemment, le metteur en scène conçoit lui-même des espaces inédits : la patinoire avec rebord d'une piste de cirque pour Lieber Georg (Cher Georges, de T. Brasch, 1980), la croûte terreuse de Désir sous les ormes (E. O'Neill, 1992), où la charrue tirée par un cheval creuse son sillon. À ses débuts, il s'était contenté d'un plateau plat, y ajoutant parfois un tréteau. Bientôt, ses décors se compliquent d'étages, de gradins en amphithéâtre, d'escaliers ; ils envahissent les marges, s'avancent dans la salle. Et, comme cela s'est beaucoup pratiqué dans les années 1970, les sols se recouvrent de terre, de sable ou de bassins emplis d'eau. Les planchers, plantés de biais, se creusent de fosses, de chausse-trapes. Les parois prennent de l'oblique sur des pentes de plus en plus accentuées, en référence à l'école expressionniste et à l'état chaotique du monde. L'espace central, lui, est souvent vide, livré aux interprètes, subdivisé en zones par des éclairages savants – étudiés au Berliner Ensemble et devenus plus esthétiques depuis –, qui témoignent du sens pictural de cet artiste plasticien expert en coloris et en art des groupements. Des images scéniques font parfois référence au cinéma, et, dans Danse de mort (Comédie-Française, 1996), le discours intérieur des personnages est visualisé par des projections cinématographiques. Mais Langhoff reste attaché à l'artisanat théâtral. Il a du goût pour le plein air comme en témoignent les spectacles montés à Avignon (La Mission, 1989) ou à Épidaure (Les Bacchantes, 1997).

Pour Langhoff, le décor est surtout une machine à jouer destinée à faire fonctionner la pièce, à aider l'acteur. Il participe au récit scénique au même titre que les répliques, l'interprétation, les costumes, les objets ou la musique. L'acteur ne cesse d'accomplir des actions ; son commerce continu avec les accessoires produit du « vrai » sans tomber dans le réalisme. Humour, ruptures et collages subvertissent toute imitation du réel.

Le rapport établi à la demande des autorités pour rénover la Comédie de Genève, dont Langhoff voulait faire un lieu de rencontres internationales, a été publié en 1987. Dépassant son objet, il est devenu une sorte de bréviaire pour toute une génération d'aspirants metteurs en scène, car il fait montre d'une connaissance parfaite de toutes les techniques du plateau. Il énonce également de rigoureux principes d'éthique et exige que soient respectées les conditions de travail de toutes les catégories de personnel d'un théâtre.

Langhoff n'a ni système ni méthode particulière. Il ne monte aucune pièce de la même manière que la précédente, et ne conçoit jamais un dispositif semblable au précédent. Il s'agit moins, pour lui, d'accomplir un métier que de tenter une aventure collective. Le metteur en scène prend des risques en engageant des « personnes » plutôt qu'en cherchant seulement des comédiens dont l'emploi correspondrait aux rôles.

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, écrivain, théâtrologue

Classification

Pour citer cet article

Odette ASLAN. LANGHOFF MATTHIAS (1941- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DANSE DE MORT (A. Strindberg)

    • Écrit par David LESCOT
    • 1 281 mots

    En signant la mise en scène de Danse de mort (1900), Matthias Langhoff a fait en avril 1996 son entrée à la Comédie-Française, inscrivant du même coup la pièce d'August Strindberg au répertoire de la Maison de Molière. Double irruption, donc, fracassante et spectaculaire, placée à plus d'un...

  • KAFKA EN REPRÉSENTATION (mises en scène F. Tanguy et M. Langhoff)

    • Écrit par David LESCOT
    • 1 517 mots

    Mis à part Le Gardien de tombeau, une pièce énigmatique et relativement méconnue, Franz Kafka n'a pas écrit pour le théâtre. On recense pourtant de nombreuses tentatives de porter son œuvre à la scène (Le Procès, créé dernièrement au festival d'Avignon par Dominique Pitoiset,...

  • LE RÉVIZOR et L'INSPECTEUR GÉNÉRAL (N. Gogol)

    • Écrit par David LESCOT
    • 1 012 mots

    Rien de plus comique que le Révizor de Nicolas Gogol (1836), trônant au sommet du patrimoine théâtral russe. Mais aussi, rien de plus politique que cette fable de la corruption, en des temps où les classes dirigeantes doivent soutenir le siège de la suspicion généralisée. Rien de plus métaphysique,...

  • LA MORT DE DANTON et LENZ, LÉONCE ET LENA (mises en scène)

    • Écrit par Anouchka VASAK
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    Comment expliquer l'insistante présence de Büchner sur les scènes françaises, notamment lors de la saison 2001-2002 ? Comment expliquer par ailleurs la transposition à la scène de Lenz, ce récit de l'errance du poète allemand dans les vallées vosgiennes ? Pour le dire autrement : à quoi...

  • QUARTETT (H. Müller)

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    « Période / Un salon d'avant la Révolution française / Un bunker d'après la troisième guerre mondiale. » Ces didascalies ouvrent le texte de Quartett, donnant son cadre et son ton à cette pièce de Heiner Müller qui réunit, pour une ultime rencontre, le couple imaginé par ...

Voir aussi