Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LUMINISME, peinture

La première intuition du luminisme, c'est-à-dire du rôle de la lumière dans l'organisation cohérente des formes par le jeu des valeurs tonales, s'exprime à Venise à partir des leçons recueillies par Antonello de Messine chez les Flamands. Si Léonard de Vinci sait exploiter avec une géniale aisance les mystérieux pouvoirs de l'ombre et de la lumière — du noir et du blanc —, c'est dans l'œuvre de Giovanni Bellini que s'accomplit la mutation profonde qui allait, à plus ou moins brève échéance, renouveler la peinture occidentale. Giorgione en saisit d'emblée la portée et les implications diverses, presque contradictoires : ainsi, dans la Pala de Castelfranco (1504), la lumière qui baigne le paysage modèle le visage de la Vierge, donne leur volume aux plis de sa robe et s'accroche en éclats luisants sur la cuirasse de saint Libéral, elle unifie une composition qui représente une vision arrêtée dans le temps. Dans L'Orage (Académie, Venise), au contraire, c'est la nature saisie à l'instant où l'éclair envahit l'espace, fait surgir les formes, décompose les couleurs.

L'importance de cette découverte sera immense, pour les Vénitiens d'abord (Titien, Lotto), puis pour les peintres, italiens ou non, qui viendront sur la lagune étudier leurs œuvres. Ils recueilleront ainsi les ferments qui feront naître la seconde révolution luministe, celle de Caravage. L'apport de celui-ci sera de découvrir, « à partir des expériences luministes de ses prédécesseurs, la puissance propre et la force des ombres. D'où un style où la lumière n'est pas asservie à la définition plastique des formes sur lesquelles elle tombe... (elle est) au contraire l'arbitre, avec l'ombre, de leur existence même » (R. Longhi). On sait la portée de son œuvre, le retentissement qu'elle eut à Rome chez de nombreux peintres de sa génération et, pendant tout le xviie siècle, sur des artistes qui avaient parfois été initiés au luminisme par un séjour à Venise ou par la connaissance de l'œuvre de Titien. Les émules de Caravage, italiens, français ou hollandais, développeront à travers toute l'Europe, parfois jusqu'à l'artifice (les tenebrosi), les conséquences de cette révolution qui détermine un changement profond dans l'ordonnance des compositions, l'équilibre des formes et des couleurs, le choix des sujets, bref dans la conception même de la peinture.

— Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE. LUMINISME, peinture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BELLINI LES

    • Écrit par Henri PERETZ
    • 2 346 mots
    • 10 médias
    ...Voulant placer l'homme, le dieu, le saint, la madone ou le paysan dans un espace réel, il unifie par ce qui est commun aux personnages et au paysage : la lumière. Celle-ci souligne à peine les volumes, elle donne aux paysages un aspect diaphane, elle illumine les façades des édifices, fait jaillir le...
  • CARAVAGE (vers 1571-1610)

    • Écrit par Arnauld BREJON DE LAVERGNÉE, Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 4 798 mots
    • 7 médias
    ...nature, affirmait-il, l'avait suffisamment pourvu de maîtres), il est intéressant de comprendre, à la suite de R. Longhi, quelles influences il a subies. On voit apparaître au xvie siècle les deux préoccupations majeures de Caravage, le jaillissement de la lumière dans la nuit et le réalisme populaire....
  • CHURCH FREDERIC EDWIN (1826-1900)

    • Écrit par Pierre GEORGEL
    • 353 mots
    • 4 médias

    Peintre américain dont l'œuvre constitue l'expression la plus originale et la plus complète du romantisme dans la peinture américaine. Church a le paysage pour domaine. Élève de Thomas Cole entre 1844 et 1846, il commence par recueillir les formules ambiguës de son maître et sa...

  • CLAESZ PIETER (1597/98-1661)

    • Écrit par Françoise HEILBRUN
    • 973 mots
    • 1 média

    Peintre hollandais de natures mortes, l'un des créateurs et des plus grands représentants, avec Willem Claesz Heda, de la nature morte monochrome à Haarlem. Né en Westphalie, mais d'origine hollandaise, Pieter Claesz est signalé comme peintre à Haarlem en 1617 (sur le registre de mariages)...

  • Afficher les 25 références

Voir aussi