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LANGAGES DE MASSE

Les langages de la propagande et de la publicité sont des langages de masse, ils constituent le médium d'une socialisation massive des messages qui naît dans l'avènement simultané, au tournant du xixe siècle, d'une pratique politique de masse (sous le signe de la Révolution française et du suffrage universel) et d'une production massive (sous le signe de la révolution industrielle). Pourtant, l'une et l'autre, propagande et publicité, n'ont pris respectivement toute leur envergure qu'à partir de la révolution d'Octobre et de la crise mondiale de 1929. Et, du coup, leurs champs respectifs (et leur langage) se sont rapprochés jusqu'à se confondre. Il est clair que la publicité est née comme facteur de relance et de consolidation du néo-capitalisme, donc d'emblée comme pratique politique. Quant à la propagande, elle se définit dès le début comme un véritable marketing et merchandizing d'idées-forces, d'hommes politiques et de partis avec leur « image de marque ». De plus en plus, propagande et publicité convergent aujourd'hui dans une stratégie globale des relations humaines, dans un style de communication et de langage. Et c'est dans cette convergence actuelle qu'elles définissent un type de société, la nôtre, où il n'y a plus de différence entre l'économique et le politique, parce que le même langage y règne d'un bout à l'autre, d'une société donc où l'« économie politique », littéralement parlant, est enfin pleinement réalisée. Il y a toujours eu des techniques de diffusion commerciale ou de suggestion politique, mais la publicité et la propagande n'apparaissent vraiment que du jour où le langage vise un public total et devient par là lui-même totalitaire. C'est l'ère des médias.

Une structure de la modernité

Fondé dans une première phase sur une psychologie du réflexe conditionné, du martèlement et de l'électrochoc, c'est-à-dire sur une technique mécaniste et métallurgique des relations humaines, ce langage de masse s'oriente aujourd'hui vers une psychologie du contact, du dialogue et du feed-back, c'est-à-dire sur une technique cybernétique de l'information comme système de relations intégrées. Mais, de toute façon, il se définit par une coupure décisive entre une catégorie d'émetteurs et une masse de récepteurs (citoyens ou consommateurs), coupure qui le distingue du transit direct de la parole entre les membres du groupe traditionnel. Avec ce type de langage médiatique apparaît donc une structure caractéristique de la modernité : la division technique et sociale en matière de communication et de messages, qui vient sanctionner et redoubler la division technique et sociale en matière de production de biens matériels. Avec la publicité et la propagande, liées à l'émergence des médias et des supports modernes (presse, cinéma, radio, télévision...), s'installe une régulation collective des signes à sens unique, sans véritable réponse possible (qui répond aux messages de la publicité et de la propagande ? c'est en ce sens que leur langage est « totalitaire »), et cette régulation unilatérale rejoint celle de la production et de la distribution des biens matériels : une véritable économie politique du signe.

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Écrit par

  • : maître assistant de sociologie à l'université Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Jean BAUDRILLARD. LANGAGES DE MASSE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Discours de Hitler - crédits : Topical Press Agency/ Getty Images

Discours de Hitler

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