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HALLÉVI JUDA (1075 env.-1141)

En butte aux humiliations de la Croix et du Croissant dans l'Espagne chrétienne et musulmane, témoin de la diffusion parmi les juifs de la philosophie gréco-arabe dont il déplore le pouvoir de séduction et les ravages qu'elle provoque, Juda Hallévi, l'un des plus grands poètes de l'« âge d'or » espagnol, est l'auteur d'un ouvrage et le promoteur d'une action qui lui assureront dans le judaïsme une place de premier plan.

Dans un livre devenu classique, il défend sa foi contre la philosophie, le christianisme et l'islam, et tente, contrairement à la plupart des philosophes juifs du Moyen Âge, de mettre en lumière la spécificité de la religion et de fournir une interprétation de l'existence juive. Ayant compris que « ni en Orient ni en Occident il n'existe pour nous un lieu d'espoir en qui nous puissions nous fier », il s'arrache non sans déchirement à l'Espagne, sa terre natale, et, bravant tous les risques, il part pour Sion qu'il a chantée en des vers émouvants (Les Sionides). La légende s'empare de l'homme.

Un judaïsme intégral

Né à Tudèle en Navarre (à l'époque, ville musulmane), Juda Hallévi descend vers le sud, en Andalousie, pour y parfaire ses connaissances ; dans ce milieu de haute culture juive, il est consacré grand poète. De nos jours encore, certaines de ses compositions sont récitées dans les synagogues. Après un séjour à Grenade et à Séville, il se rend en Espagne chrétienne, à Tolède, où il exerce la médecine. Après les déchaînements contre les juifs en 1109, il s'installe à Cordoue. En 1140, il termine son Livre de l'argument et de la preuve pour faire triompher la religion méprisée, écrit en arabe et communément appelé Kuzari. Cet ouvrage, présenté sous forme de dialogue, s'inspire de la conversion de Khazars au judaïsme au viiie siècle. Il met en scène le roi des Khazars – ou Kuzari –, qui, tourmenté par le problème religieux, interroge tour à tour un philosophe, un théologien chrétien et un théologien musulman. Déçu par leurs réponses, il se voit obligé de faire appel à un docteur de la minorité bafouée, un rabbin, qui réussit à le convertir. En même temps qu'il achevait son livre, l'auteur préparait son départ pour la Terre sainte. La mort l'empêchera de fouler le sol sacré : il disparaît pendant une escale en Égypte.

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Écrit par

  • : docteur en théologie, docteur en histoire de la philosophie, docteur d'État ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Charles TOUATI. HALLÉVI JUDA (1075 env.-1141) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APOLOGÉTIQUE

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 3 535 mots
    Il y eut bientôt une réaction. Dans le Kuzari (1140), Judah Halevi imagina un dialogue entre un chrétien, un musulman et un rabbin en présence du roi des Khazars, qui finit par se convertir au judaïsme ; il fit une critique sévère de la philosophie du kalam et attacha la certitude non pas à la démarche...
  • JUDAÏSME - La religion juive

    • Écrit par Georges VAJDA
    • 6 519 mots
    • 1 média
    Mais ce processus intellectualiste qui se rendait dangereux aux yeux des croyants traditionalistes fut stoppé ; Juda Hallévi (mort vers 1140) le critiqua très durement, en montrant la spécificité de l'expérience religieuse et la situation unique du judaïsme face à la philosophie et face aux religions...
  • TŌRAH

    • Écrit par Roland GOETSCHEL
    • 2 852 mots
    • 3 médias
    ...intellectualiste juif, à Lévi Ibn Gerson, par exemple. Elles se heurtent, cependant, à l'opposition du courant fidéiste dont la plus belle figure fut Juda Hallévi (1085-1140). Pour celui-ci, la Tōrah ne saurait être une sorte de redondance des vérités métaphysiques formulées par les philosophes. La...

Voir aussi