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HALLÉVI JUDA (1075 env.-1141)

La philosophie et le peuple d'Israël

Suivant Juda Hallévi, la philosophie nie toute possibilité de dialogue entre l'homme et Dieu. Certes, elle est parvenue à démontrer l'existence d'un Premier Moteur impersonnel ; elle demeure foncièrement incapable d'accéder jusqu'au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. En fait, la philosophie ne comprend pas le phénomène religieux. Cependant il n'est pas question de récuser la raison, et Juda Hallévi affirme avec force que le judaïsme refuse l'irrationnel. Toutefois, il est très conscient des limites de la raison raisonnante des philosophes : déjà la physique d'Aristote défie le bon sens, et une bonne part de sa métaphysique et de celle de ses sectateurs musulmans apparaît ridicule. Il serait vain de réfuter la philosophie en usant des mêmes méthodes ratiocinantes. Il faut partir de l'histoire.

Dieu a fait irruption dans l'histoire : il s'est révélé à tout un peuple sur le mont Sinaï. Cette théophanie est un événement irréfutable dont furent témoins des centaines de milliers d'hommes à l'esprit critique aiguisé qui avaient été élevés en Égypte dans l'idée que Dieu ne peut adresser la parole aux hommes, et qui ne s'en laissaient pas conter. L'histoire miraculeuse du peuple d'Israël, communauté qui n'est soumise à aucun déterminisme sociologique, prouve surabondamment qu'il existe un Dieu qui dialogue avec l'homme, exerce sur lui sa providence et accomplit des prodiges. Si l'on écarte Israël, on supprime le seul argument irrécusable qu'on puisse avancer en métaphysique. Aussi bien le christianisme et l'islam s'appuient-ils tous les deux sur l'histoire juive.

Le peuple d'Israël témoigne, contre la philosophie, que Dieu entre en relation avec l'homme. De génération en génération, depuis Adam créé parfait jusqu'au patriarche Jacob, un individu unique a été doué d'« une faculté divine », supérieure à l'intellect, qui le rendait apte à instaurer avec Dieu des rapports personnels. Ce privilège s'est ensuite transmis à toute la postérité de Jacob, et il a fait d'elle le cœur de l'humanité. Au sein de cette élite, les prophètes, élite de l'élite, recevaient des messages divins dans un pays particulier et prédestiné : la Terre sainte.

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Écrit par

  • : docteur en théologie, docteur en histoire de la philosophie, docteur d'État ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Charles TOUATI. HALLÉVI JUDA (1075 env.-1141) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APOLOGÉTIQUE

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 3 535 mots
    Il y eut bientôt une réaction. Dans le Kuzari (1140), Judah Halevi imagina un dialogue entre un chrétien, un musulman et un rabbin en présence du roi des Khazars, qui finit par se convertir au judaïsme ; il fit une critique sévère de la philosophie du kalam et attacha la certitude non pas à la démarche...
  • JUDAÏSME - La religion juive

    • Écrit par Georges VAJDA
    • 6 519 mots
    • 1 média
    Mais ce processus intellectualiste qui se rendait dangereux aux yeux des croyants traditionalistes fut stoppé ; Juda Hallévi (mort vers 1140) le critiqua très durement, en montrant la spécificité de l'expérience religieuse et la situation unique du judaïsme face à la philosophie et face aux religions...
  • TŌRAH

    • Écrit par Roland GOETSCHEL
    • 2 852 mots
    • 3 médias
    ...intellectualiste juif, à Lévi Ibn Gerson, par exemple. Elles se heurtent, cependant, à l'opposition du courant fidéiste dont la plus belle figure fut Juda Hallévi (1085-1140). Pour celui-ci, la Tōrah ne saurait être une sorte de redondance des vérités métaphysiques formulées par les philosophes. La...

Voir aussi