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IBN ‘ARABĪ (1165-1241)

Prestigieuse figure du soufisme, et l'un des plus grands visionnaires de tous les temps, Ibn ‘Arabī est le théoricien du monisme ontologique et théologal, le grammairien de l'ésotérisme musulman. Sa doctrine a ébranlé le monde de la pensée islamique, suscitant nombre de controverses. Son œuvre, authentique et apocryphe, a dominé la spiritualité islamique depuis le viie siècle de l'hégire (xiiie siècle chrétien) ; et le soufisme, tout au long de son histoire, n'a jamais connu de personnalité plus forte et plus complexe.

Son influence a marqué aussi bien ses partisans que ses adversaires ; son lexique technique représente la forme achevée du vocabulaire gnostique en langue arabe, et les penseurs musulmans postérieurs, qu'ils soient arabes, iraniens ou turcs, ont tous repris sa terminologie. Ainsi Ibn ‘Arabī apparaît-il véritablement comme le pivot de la pensée métaphysique en Islam.

L'élection de la Voie et l'aventure orientale

Muḥyi-d-dīn Abū ‘Abd Allāh Muḥammad b.‘Alī b. Muḥammad b. al-‘Arabī al-Ḥātimī al-Ṭā'ī, surnommé par ses disciples tardifs al-Shaykh al-akbar (Doctor maximus), est né à Murcie en Espagne le 27 ramaḍān de l'an 560 de l'hégire (7 août 1165). Son père Muḥammad ainsi que son oncle paternel ‘Abd Allāh, nobles de Murcie, se rangeaient parmi les savants en matière de jurisprudence musulmane (fiqh) et de tradition du Prophète (ḥadīth). Il naît donc dans un milieu que distinguent l'aisance matérielle et l'amour du savoir, et grandit dans une atmosphère de piété. Il fut surtout influencé par sa mère et par son oncle paternel ‘Abd Allāh. Vers l'âge de sept ans, il suit sa famille à Séville, devenue le centre administratif des Almohades en Andalousie, et la capitale intellectuelle de leur empire englobant l'Afrique du Nord entière. C'est là qu'Ibn ‘Arabī commence à acquérir la culture musulmane classique, tant religieuse que littéraire. Ses biographes affirment qu'à peine adolescent il avait déjà fait le tour des sciences islamiques. Ses dons extraordinaires ainsi que le rang de son père lui valent d'être choisi comme secrétaire à la chancellerie de Séville. Il épouse alors une jeune fille de grande famille andalouse, Maryam bint ‘Abdūn, qui représentait à ses yeux, comme il le dit lui-même, l'idéal de la vie spirituelle. Ce mariage occasionna cependant dans sa vie personnelle une crise profonde qui en bouleversa le cours. À la suite d'une maladie qui le mit aux portes de la mort, il abandonna son existence de lettré et de haut fonctionnaire. Il avait donc environ vingt ans lorsqu'il entendit l'appel du Ciel à la vie réelle et y répondit par l'élection de la « Voie ». Sa conversion s'exprima d'abord par une retraite de neuf mois, sous la direction d'un maître spirituel, Abū Dja‘far al-‘Uraynī (de Loulé, près de Silves au Portugal), qui se consacrait à la formation des jeunes attirés par la vie spirituelle. Une fois achevée sa retraite, Ibn ‘Arabī orienta désormais son existence et son activité vers l'approfondissement des études métaphysiques et traditionnelles, la visite des grands maîtres spirituels en différents lieux pour profiter de leur expérience, la composition d'ouvrages ésotériques, la formation des âmes aspirant à la vie de la pensée pure et de la spiritualité.

À coup sûr, les dons innés d'Ibn ‘Arabī, la qualité de son milieu familial concoururent à faire éclore sa nouvelle vocation : au seuil de l'âge adulte, les caractéristiques tant intellectuelles que spirituelles de sa personne s'affirmaient pleinement. Dès son entrée dans la Voie se manifestèrent des phénomènes psychiques exceptionnels qui attirèrent la curiosité du grand philosophe de Cordoue, Averroès (Ibn Rushd). Celui-ci était un ami personnel du père d'Ibn ‘Arabī[...]

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Écrit par

  • : docteur de l'université Al-Azhar, Le Caire (alimiyya), docteur ès lettres, université de Paris-Sorbonne, maître de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Osman YAHIA. IBN ‘ARABĪ (1165-1241) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AVICENNE, arabe IBN SĪNĀ (980-1037)

    • Écrit par Henry CORBIN
    • 8 902 mots
    • 1 média
    ...Avicenne le pur péripatétisme, mais l'œuvre de Sohrawardī, qui ressuscita la « philosophie orientale » de l'ancienne Perse, et l'influence de la théosophie d' Ibn ‘Arabī, très rapidement intégrée (ou réintégrée) à la gnose shī‘ite. L'œuvre d'Avicenne n'a cessé d'être enseignée et commentée en Iran jusqu'à nos...
  • ISLAM (La religion musulmane) - Les sciences religieuses traditionnelles

    • Écrit par Chafik CHEHATA, Roger DELADRIÈRE, Daniel GIMARET, Guy MONNOT, Gérard TROUPEAU
    • 12 170 mots
    ...). Il est à noter que Marie, la mère de Jésus, est la seule femme qui ait droit dans le Coran (v, 75) au qualificatif de « juste » (ṣiddīqa). Ibn ‘Arabī, « le plus grand des maîtres » (mort en 1240), précise dans ses Futūḥāt (ii, p. 24) que « le ṣiddīq trouve, par une nécessité...

Voir aussi