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WEST BENJAMIN (1738-1820)

Peintre américain. Bien que West soit né en Amérique et qu'il y ait appris la « partie mécanique » (selon ses propres termes) de la peinture, son œuvre est entièrement étrangère au développement de l'art américain. Au contraire, elle occupe une position centrale et joue un rôle décisif dans l'histoire de la peinture européenne à la fin du xviiie siècle. West se rend en Italie de 1760 à 1763, séjournant dans les principaux centres d'art et surtout à Rome, où il s'initie au néo-classicisme international, celui de Raphael Mengs et de Gavin Hamilton plus particulièrement, dans le domaine du portrait comme dans celui de la peinture d'histoire. À partir de 1763, il s'installe à Londres, où il reste d'abord fidèle à sa veine romaine (Oreste et Pylade conduits devant Iphigénie, 1766, Tate Gallery, Londres) : sujets empruntés au répertoire classique, motifs repris de sources antiques, compositions rigoureusement ordonnées, espace réduit, style linéaire. Cependant, il ne souscrit pas toujours entièrement à l'orthodoxie néo-classique, à laquelle sa formation américaine, purement technique et non pas académique, ne l'avait pas préparé : non seulement les maladresses abondent dans ses tableaux les plus respectueux de l'esthétique classique (Le Retour du fils prodigue, vers 1770, Metropolitan Museum of Art, New York), mais il lui manquera toujours l'armature culturelle faute de laquelle le fond est comme dissocié de la forme. Dans sa période purement néo-classique, dont les productions les plus remarquables sont Agrippine débarquant à Brindisi avec les cendres de Germanicus (1768, Yale University Art Gallery, New Haven, Conn.), Le Départ de Régulus (1769, Kensington Palace, Londres) et Annibal jurant de faire la paix avec Rome (1770, ibid.), il n'adopte pas les formats monumentaux, les figures grandeur nature pratiqués par les néo-classiques intransigeants comme Hamilton, mais les formats plus réduits de Poussin. D'autre part, bien qu'il entre à la Royal Academy dès sa fondation, il prend assez vite ses distances à l'égard des idées de Reynolds, dont la prédilection théorique pour une beauté sereine et intemporelle ne le satisfait qu'imparfaitement. Comme Reynolds lui-même, constamment partagé entre le souci d'un classicisme pur et l'attrait d'un art énergique et « sublime » (celui de Michel-Ange), il pratique une manière éclectique. Des peintures d'histoire fidèles à l'exemple de Mengs (L'Apothéose des princes Alfred et Octave, vers 1784, Kensington Palace, Londres) alternent avec d'autres qui, sans s'émanciper de la convention, annoncent le romantisme par leur sujet et par leur climat (La Mort sur un cheval pâle, 1802, Philadelphia Museum of Art ; Saül et la Sorcière d'Endor, 1777, Wadsworth Athenaeum, Hartford, Conn.). Il emprunte alors à Michel-Ange, à Salvator Rosa, à des contemporains tels que John Hamilton et Alexander Runciman, et cet amalgame de styles et de sentiments l'apparente à d'autres artistes de la même époque, anglais comme William Blake, ou américains comme Washington Allston et Samuel F. B. Morse. Mais la contribution la plus originale et la plus réussie de Benjamin West à l'art de son temps est la célèbre Mort de Wolfe, exposée en 1771 à la Royal Academy (1770, quatre exemplaires connus, notamment à la National Gallery of Canada, Ottawa, et à Kensington Palace, Londres). L'œuvre fit scandale parce qu'elle représentait un événement contemporain dans un style qui était celui de la peinture d'histoire avec, dans les poses, dans la composition, une allusion évidente à la Déposition du Christ, mais avec les costumes du temps au lieu des draperies intemporelles prescrites par Reynolds et la tradition académique. Ce qui était nouveau n'était pas en soi l'usage[...]

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Pour citer cet article

Pierre GEORGEL. WEST BENJAMIN (1738-1820) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Alexandre III d'Écosse sauvé de la fureur d'un cerf par l'intrépidité de Colin Fitzgerald</it>, B. West - crédits :  Bridgeman Images

Alexandre III d'Écosse sauvé de la fureur d'un cerf par l'intrépidité de Colin Fitzgerald, B. West

Watson and the Shark (<it>Watson et le requin</it>), J. S. Copley - crédits : Founders Society purchase, Dexter M. Ferry Jr. Fund,  Bridgeman Images

Watson and the Shark (Watson et le requin), J. S. Copley

Autres références

  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...l'allégorie, les peintres compromettent la limite entre peinture d'histoire et peinture de genre. Le tapage fait autour de La Mort de Woolf par Benjamin West (1771) est significatif à cet égard ; il montre qu'on a tout de suite compris ce qu'un tel tableau, assez anodin par ailleurs, apportait...
  • COPLEY JOHN SINGLETON (1738-1815)

    • Écrit par Pierre GEORGEL
    • 855 mots
    • 1 média

    Peintre américain. Copley joue un rôle essentiel dans l'histoire de la peinture américaine, car c'est lui qui la fait passer de la tradition archaïque des « primitifs », caractérisée par un style linéaire à deux dimensions, de caractère idéographique, et par des formules stéréotypées, à une...

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques

    • Écrit par François BRUNET, Éric de CHASSEY, Universalis, Erik VERHAGEN
    • 13 464 mots
    • 22 médias
    ...peinture plus académique n'infirme pas la prééminence du portrait, seule forme d'art légitime et viable dans une société encore très provinciale. Ainsi Benjamin West et John Singleton Copley furent-ils d'abord des portraitistes, avant de s'exiler à Londres, justement pour échapper à ce qu'on a appelé...

Voir aussi