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AUTOMOBILISME

Un présent en crise, un avenir incertain

Omniprésent et toujours en croissance à l'échelle de la planète entière, le fait automobile dépasse largement la simple diffusion commerciale d'un véhicule roulant autonome plus ou moins sophistiqué. Il est possible qu'à l'heure actuelle la civilisation de l'automobile en soit arrivée à son crépuscule mais cette impression mérite d'être nuancée à la fois dans l'espace et dans le temps. Depuis son invention, l'automobile a eu à affronter de sévères détracteurs dont la voix n'a cependant guère porté au-delà de quelques cercles militants. Certes, les critiques se multiplient avec la dénonciation de la société de consommation, à partir des années 1960. « On croit fabriquer des automobiles, on fabrique une société », relevait Bernard Charbonneau dans l'un des premiers pamphlets anti-automobiles (L'Hommauto, 1967). Cette condamnation à tonalité morale, qu'un Ivan Illich ou un André Gorz ont relayée dans les années 1970, a fourni un thème solide de contestation à l'écologie politique naissante. Elle repose principalement sur la dénonciation, d'une part, des accidents de la route, aux bilans macabres difficilement stabilisés en Occident et toujours en forte croissance dans les pays en voie de développement et, d'autre part, des nuisances environnementales – pollution de l'air par les gaz d'échappement, des eaux et des terres par les huiles de vidange, les batteries électriques, les pneumatiques..., congestion chronique du trafic routier. Depuis quelque temps, l'Organisation mondiale de la santé a fait de l'automobile l'un de ses sujets majeurs de préoccupation étant donné sa part importante dans les causes de mortalité.

Autour de l'automobilisme et de son hégémonie gravitent donc des points de vue contradictoires et irréconciliables qui vont de l'« autolâtrie » à l'« autophobie ». En simplifiant la périodisation, on pourrait retenir que l'histoire de l'auto, associée (pour ne pas dire identifiée) il y a un siècle à la conquête d'une liberté, est devenue, sous les effets conjugués de l'automobilisme de masse, une chronique de la servitude. Il n'en reste pas moins que sur fond d'automobilisation universelle – certains experts prévoient deux milliards d'autos en circulation vers 2040 –, les remises en cause sérieuses du système, malgré les preuves de sa non-durabilité en l'état actuel de sa technique, demeurent très marginales. Sommée de toute part de se réformer, l'automobile se trouve placée du fait des enjeux énergétiques et environnementaux globaux au cœur des problèmes politiques et économiques contemporains. La crise et le déclin annoncés, voire la disparition tenue pour évidente par quelques-uns du « modèle automobile » est à l'évidence à l'origine des espoirs soudain enfiévrés placés dans l'électromobilité. Mais il faut encore souligner que le désir – ses adversaires diront l'illusion – automobile persiste, intact, notamment dans les pays nouvellement convertis comme la Chine ou l'Inde devenus à leur tour producteurs. Preuve supplémentaire de cette fascination, le jeu d'échecs auquel se livrent les groupes actuels à force de rachats et de stratégies de gestion d'images cherche toujours à perpétuer les légendes des marques les plus prestigieuses. Comment expliquer autrement les investissements financiers importants dans des vestiges d'empire industriel tels que MG-Rover racheté par Nanjing Automobile en 2005, Jaguar et Land Rover, rachetés – ironie de l’histoire – par le groupe indien Tata en 2008, ou plus récemment encore l'injection de capitaux du fonds souverain Qatar Investment Authority dans le groupe Volkswagen-Porsche ? La mode vintage pour les voitures[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Pour citer cet article

Mathieu FLONNEAU. AUTOMOBILISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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