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AUTOMOBILISME

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Succès des fonctions utilitaires

Pour autant, limités à une certaine société, ces usages « égoïstes » de la « folie furieuse de l'automobilisme » stigmatisée entre autres par Léon Bloy au lendemain de la tragique course Paris-Madrid de 1903, présentaient un danger pour l'avenir même de l'automobile. Félicien Hennequin, secrétaire général de la Commission extraparlementaire de la circulation automobile, l'expose lucidement dès 1905 : la « conception de l'automobile comme seul sport [est] tout à fait fausse. On doit rechercher [la vitesse] et s'en servir non pour réaliser des prouesses et satisfaire des goûts sportifs, mais, par-dessus tout, pour en retirer sagement l'utilité exceptionnelle qu'elle offre. Toute autre mentalité serait exclusive de la prudence que commande plus que jamais la conduite d'une automobile et que le public, circulant à pied ou en voiture ou à dos d'animal, est en droit d'exiger ; elle pourrait compromettre gravement l'évolution en cours » (L'Évolution automobiliste en France de 1899 à 1905, rapport, 1905). Le processus était bien celui d'une « véritable révolution [qui] s'est opérée » : les « conquêtes de la traction [...] semblent définitivement consolidées », relevait le même auteur.

De fait, le décisif et précoce tournant démocratique, qui assura son succès au système automobile, est à rechercher du côté des usages utilitaires et professionnels conquis dès avant la Première Guerre mondiale. À chaque fois que cela s'avérait possible, tant dans les grandes métropoles que dans les campagnes, le mode de transport automobile s'imposa, se substituant aux transports hippomobiles. Pourvoyeur des services publics (postes, police, pompiers) et commerciaux (livraisons des grands magasins, vente de détail), le transport automobile, sous forme de camions plus ou moins gros ou de véhicules de transports collectifs divers, devint l'étalon des autres modes. À Paris, il n'y avait plus de transports publics de surface autre qu'automobile depuis 1913, à l'exception du tramway. Celui-ci disparut à son tour au cours des années 1930. Le même mouvement de substitution, tout aussi spectaculaire et irréversible mais moins voyant et nettement plus tardif – plutôt les années 1950 en Europe occidentale –, se produisit dans les campagnes. Dans Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, Marc Bloch notait déjà, en 1931 : « N'est-ce pas tout autant, et davantage peut-être, la modeste camionnette du fournisseur – boucher, boulanger, etc. – ou du marchand de bestiaux qui est en train de bouleverser, lentement mais sûrement, la vie des campagnes ? »

En ville plus particulièrement, il en résulta un nouveau formatage de l'espace urbain et un nouvel habitus citadin dans les espaces publics et sur les voiries. Dès les années 1920, des forêts de symboles bientôt familiers, quoique prescripteurs comme les feux rouges ou les inscriptions liées à la sécurisation des flux de circulation, envahirent les chaussées, dorénavant uniformément soumises à l'ordre automobile. Dans le même temps, l'auto créa ses paysages propres.

Inventé en Italie en 1922, le modèle de l'autoroute se révéla particulièrement adapté à des circulations rapides. Rêve sorti tout droit du cerveau des premiers ingénieurs du trafic, ce type d'infrastructure dédiée exclusivement à la circulation des automobiles était censé assurer le dégagement dans la fluidité des grandes villes et des liaisons interurbaines accélérées concurrençant directement le train. À l'extérieur des cités, des réseaux routiers cohérents commencèrent à être établis, avec de grands décalages dans le temps d'un pays à l'autre. Ce fut le cas en Allemagne au cours des années 1930 mais, sans surprise, c'est aux États-Unis que les réalisations de la plus[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Pour citer cet article

Mathieu FLONNEAU. AUTOMOBILISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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