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ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) Les grands empires

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Les empires des rizières

Le Bayon (Angkor Thom), E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

Le Bayon (Angkor Thom), E. Haas

Chacun dans son bassin fluvial, les empires vont dominer la péninsule à partir du xe siècle, moment où les grands échanges maritimes faiblissent, et donc les thalassocraties. Nous avons vu comment se fonda la puissance agricole angkorienne. Elle ne va cesser de croître de Yaśovarman – 889-900 – à Sūryavarman II – 1113-1150 – qui, en construisant Angkor Vat, marque son apogée. En 1177, remontant le Mékong, les Chams surprennent et brûlent Angkor : raid prémonitoire ! Certes, en contraste avec ses prédécesseurs sivaïstes, un dernier grand roi, Jayavarman VII (1181-1219), va tenter de ressusciter l'empire en le consacrant au Bouddha compatissant. Mais les temps étaient échus et le pouvoir qui s'étendait des bouches du Mékong à celles du Ménam n'est plus, après lui, qu'un corps exsangue et désarticulé. Les deltas de la Salouen et du Ménam furent d'importants foyers de culture mais non des centres de puissance. Peut-être parce que enfoncés, respectivement, au creux des golfes de Martaban et de Siam. Surtout, à notre sens, parce que les Môns n'étaient pas techniquement en mesure de maîtriser ces deltas erratiques et durent se contenter de vivre sur des berges et des plaines côtières certes fertiles, mais morcelées et sans ampleur. En dehors du Cambodge, le seul empire indianisé d'Indochine fut celui de Pagan qui, pour se développer, choisira l'immense plaine centrale de l'Irrawaddy, où il créera une irrigation fort proche de celle d'Angkor. Il se constitue à partir du xe siècle grâce à la fusion de la culture des Môns du Sud et des Pyus (Birmans) du moyen pays. Son ascension commence avec Aniruddha – 1044-1077 – et culmine sous Kyanzittha – 1084-1112 –, auquel on doit le plus majestueux des temples de Pagan : l'Ananda. Mais, en 1287, les Mongols, maîtres de la Chine, lancent des raids qui engloutissent Pagan. La royauté birmane resurgira autour de Mandalay, dans le haut pays et à l'écart de la mer, jusqu'à la conquête anglaise. À vrai dire, on peut alors la considérer non plus comme un État de l'Asie du Sud-Est mais comme le limes oriental de l'empire indien. La puissance vietnamienne s'est forgée dans le delta du fleuve Rouge, qui fut transformé en un véritable jardin de rizières à l'abri des crues, miracle d'effort collectif. Ce succès devait créer une pression démographique irrésistible. On l'a dit, elle n'eut d'autre exutoire que les plaines chames. Les Li en commencent la conquête au xie siècle, les Tran – 1255-1414 – la poursuivirent méthodiquement, le puissant Le-Thanh-Ton – 1460-1497 – la parachève. Et, contourné le verrou géographique du cap Varella, les Vietnamiens atteindront finalement le delta du Mékong (Saigon en 1696) pour venir bientôt border le Cambodge. Après les épuisantes luttes entre les seigneurs Trinh de Hanoi et les princes Nguyen du Sud, l'intronisation à Hué, en 1802, de Gia-Long marquera l'apogée de la nation et scellera son nouveau dessin géographique.

Angkor Vat, Cambodge - crédits : Jerry Alexander/ The Image Bank/ Getty Images

Angkor Vat, Cambodge

Le roi Jayavarman VII - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Le roi Jayavarman VII

Filtrant à partir de la Chine, puis constitués en chefferies dans les hautes terres, les princes thaïs profitèrent de l'ébranlement mongol en 1287 pour émerger au grand jour et descendre méthodiquement le Ménam. Les premiers règnent à Sukhothai, fondée par Rāma Kamheng – 1281-1300 –, puis en Ayuthya avec Rāmādhipati – 1350. Ils s'imposèrent d'abord aux Môns, atteignent ensuite les frontières angkoriennes, finalement Angkor même, qui disparaît sous leurs coups en 1431. Bloqués dans la haute vallée du Mékong, d'autres Thaïs fondèrent parallèlement le modeste royaume des Laos. Seulement, ces Thaïs prenaient le pouvoir dans une Indochine déjà « pleine ». Ils ne triomphent d'Angkor que pour voir bientôt à l'est se profiler les Vietnamiens. Ils se heurtent très vite aux Birmans, alors[...]

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Pour citer cet article

Bernard Philippe GROSLIER. ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - Les grands empires [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

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Asie du Sud-Est, VII<sup>e</sup>-XVI<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Asie du Sud-Est, VIIe-XVIe siècle

700 à 800. De 'Abd al-Malik à Charlemagne - crédits : Encyclopædia Universalis France

700 à 800. De 'Abd al-Malik à Charlemagne

Le Bayon (Angkor Thom), E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

Le Bayon (Angkor Thom), E. Haas

Autres références

  • INDE (Arts et culture) - L'expansion de l'art indien

    • Écrit par
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    Nul océan ne mérite mieux son nom que l'océan Indien. Non seulement l'Inde y enfonce son formidable soc mais, de plus, sa civilisation en a parcouru toutes les eaux et en a modelé les rivages orientaux à son image. Par son amplitude géographique et son poids sur le cours des peuples, l'expansion indienne...

  • ANGKOR

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    • 4 571 mots
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    L' occupation de la région d'Angkor remonte au moins au Ier millénaire avant notre ère (connue par les fouilles de B.-P. Groslier) mais les premiers monuments ne datent que du viie siècle de notre ère ; ils se trouvent à l'ouest sur le Stung Puok. Le viiie siècle est marqué par...

  • AYUTHYA

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  • BIRMANIE (MYANMAR)

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    • 18 médias
    Le pays abonde en sites archéologiques inexplorés ou fouillés de façon partielle.
  • GROSLIER BERNARD PHILIPPE (1926-1986)

    • Écrit par
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    Le nom de Bernard Philippe Groslier, né le 10 mai 1926 à Phnom Penh, restera à jamais lié à celui du Cambodge, où il vécut de longues années et à l'histoire duquel il a consacré ses plus belles études. Son père, George Groslier, né en 1887, avait été l'un des « khmérisants » les plus sensibles...

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