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ASHKÉNAZE

Substantif et adjectif, l'appellation « ashkénaze » (ashkenaz, pluriel ashkenazim) est appliquée aux juifs de l'Europe occidentale, centrale et orientale qui sont d'origine et de langue germaniques par opposition à ceux qui sont originaires d'Espagne et sont dits séfarades (sefardim). Dans la Bible, Ashkenaz est cité parmi les arrière-petits-fils de Noé (Genèse, x, 3 ; I Chroniques, i, 6) ; il désigne encore un royaume voisin de l'Arménie (Jérémie, li, 27). La littérature hébraïque médiévale applique le terme « ashkénaze » à l'Allemagne : d'une part, aux juifs des bords du Rhin, d'autre part, à leurs descendants. On admet généralement que le judaïsme ashkénaze se constitua comme tel vers le xie siècle : il comprenait alors les communautés de la France du Nord et de la Rhénanie. À partir du xve siècle, les persécutions des juifs à travers l'Allemagne déterminèrent une migration vers l'est : Bohême, Moravie, Pologne, Lituanie. La patrie du judaïsme ashkénaze devint par excellence la Pologne au xvie et au xviie siècle : sous la protection royale, les communautés jouirent d'une large autonomie et d'une représentation dite Wa‘ad arba araṣōt (Conseil des Quatre Pays). Les massacres perpétrés en 1648 par les Cosaques révoltés contre la noblesse polonaise entraînèrent un reflux vers l'ouest : au xviie et au xviiie siècle, des groupements ashkénazes s'établirent aux Pays-Bas, en Angleterre et dans le Nouveau Monde. Au xixe siècle, le statut d'infériorité imposé par la Russie tsariste aux juifs de Pologne, d'une part, l'émancipation en Occident, d'autre part, accrurent l'émigration vers les pays d'Europe occidentale (Allemagne, France, Angleterre) et vers les États-Unis.

À la fin du xixe siècle, un mouvement de moindre importance numérique contribua, sous l'influence du sionisme politique, à l'établissement d'un peuplement ashkénaze en Palestine, tandis que l'Amérique du Sud (l'Argentine principalement) recevait de forts contingents de juifs qui fuyaient les pogroms russes. La persécution nazie détruisit les centres vitaux du judaïsme ashkénaze en Europe (en Pologne surtout). Les Ashkénazes restent prédominants dans les communautés des États-Unis, de Russie, d'Australie, d'Afrique du Sud. Ils constituent 70 p. 100 de la population juive mondiale. Mais en France et en Israël, dans les années 1980, ils étaient un peu moins nombreux que les Séfarades, tout en conservant des positions dirigeantes dans l'économie, la société et, en Israël, dans le système politique. L'évolution politique et démographique qui conduisait, selon l'expression officielle en Israël, à la « synthèse des diasporas » et qui sapait lentement l'hégémonie ashkénaze a été remise en cause par l'arrivée massive d'immigrants enfin autorisés à quitter l'U.R.S.S. à partir de la fin de 1989.

Le judaïsme ashkénaze a produit une civilisation spécifique, dont les caractéristiques apparaissent sur le plan des structures communautaires avec les taqqanot (ou ordonnances) de R. Gershom de Metz (xie siècle) et les synodes rabbiniques du xiie siècle relatifs aux usages matrimoniaux (prohibition de la polygamie). Ses usages alimentaires et liturgiques sont distincts de ceux des Séfarades. L'ensemble de ses coutumes a été consigné dans les gloses ajoutées par Moïse Isserlès (xviie s.) au code rabbinique généralement admis, le Šulḥān Arūkh. Le rituel de prière ashkénaze comprend des piyyutim composés par des rabbins français ou allemands médiévaux. La prononciation de l'hébreu diffère de celle des Séfarades (qamaṣ rendu o, họolem rendu é, ṣadé rendu tz, tav non pointé rendu s).

Le haut-allemand, additionné de vocables hébreux, a donné naissance à la[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Gérard NAHON. ASHKÉNAZE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DIASPORA

    • Écrit par Spyros ASDRACHAS, Vicken CHETERIAN, Kamel DORAÏ, Universalis, Thibaut JAULIN, Claudine LOMBARD-SALMON, Raoul VANEIGEM, Emmanuel ZAKHOS-PAPAZAKHARIOU
    • 7 154 mots
    • 1 média
    ...Maghreb. En Pologne, le roi Sigismond Auguste promulgue, en 1551, une « grande charte » qui garantit l'autonomie des juifs. Parmi ceux que l'on appellera Ashkénazes se développe le yiddish, véritable langue issue du jargon des juifs allemands. Pourtant, l'hostilité s'accroît et aboutit à un massacre perpétré...
  • GERSHOM DE METZ (960 env.-1028)

    • Écrit par Gérard NAHON
    • 424 mots

    Un des maîtres majeurs du judaïsme allemand médiéval. Né probablement à Metz mais ayant vécu surtout à Mayence, Rabbénu Gershom ben Juda fut le disciple de Juda ben Meir ha Cohen Léontin. Il eut pour élèves Eliézer le Grand, Jacob ben Yaqar et Isaac ben Juda. Selon une tradition, son fils aurait...

  • GOLEM

    • Écrit par Olivier JUILLIARD
    • 631 mots

    Être, le plus souvent de forme humaine, le golem est créé par un acte de magie grâce à la connaissance des dénominations sacrées. Dans le judaïsme, l'apparition du terme golem remonte au Livre des Psaumes et à l'interprétation qu'en donne le Talmud ; il s'agit, dans ce...

  • HASSIDISME MÉDIÉVAL

    • Écrit par Roland GOETSCHEL
    • 458 mots

    Courant mystique à tendance ascétique, mouvement social et religieux qui se développa principalement entre 1150 et 1250 dans le judaïsme allemand à partir des villes de Ratisbonne dans le Sud, de Spire, Worms et Mayence en Rhénanie. « Hassidisme » dérive du mot talmudique qui désigne le dévot (...

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Voir aussi