Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ALIMENTATION (Économie et politique alimentaires) Économie agroalimentaire

Les stratégies de concurrence dans le secteur agroalimentaire

Depuis les années 1980, l'agriculture européenne est entrée dans un contexte de saturation des marchés et de crise de la Politique agricole commune (P.A.C.), de vive concurrence et de libéralisation des échanges internationaux dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (O.M.C.). Des crises sanitaires se sont multipliées (« vache folle », listéria, dioxine, grippe aviaire, etc.), créant une attitude de suspicion de la part des consommateurs. Cette suspicion est accentuée par la controverse autour des organismes génétiquement modifiés (O.G.M.) parallèlement au vif souhait de l'opinion publique d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement.

Dans ce contexte, les acteurs économiques des filières agroalimentaires (c'est-à-dire des producteurs agricoles aux distributeurs) ont été confrontés à deux préoccupations prédominantes : la sécurité des consommateurs et leur information sur la qualité. Les réponses à ces préoccupations sont diverses, mais elles ont toutes modifié en profondeur les stratégies économiques puis les formes d'organisation au sein des filières.

La généralisation des stratégies de différenciation : le rôle clé de la qualité

Les producteurs agricoles ou alimentaires et les grands distributeurs veulent différencier leurs produits et adapter rapidement leurs gammes à ces évolutions. Pour satisfaire la grande variété des consommateurs, ils cherchent à capter des « segments de clientèles » : les amateurs de produits de terroir, les sportifs férus de produits diététiques, les personnes soucieuses de l'environnement, etc. Ils ont ainsi créé des marques, ou utilisent les signes officiels de qualité (appellation d'origine contrôlée [A.O.C.], label rouge, logo agriculture biologique ou AB, etc.), et ils proposent des gammes de produits beaucoup plus variées. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer, par exemple, le rayon de produits laitiers d'un supermarché.

Cette situation va de pair avec trois changements majeurs.

– Le premier concerne les facteurs de compétitivité des entreprises. Dans les années 1990, ces stratégies de différenciation se sont diffusées aux activités de production agricole, de collecte et de première transformation, au travers des certifications officielles de qualité ou des marques collectives par exemple. Le secteur agroalimentaire est entré dans un univers du « sur mesure de masse ». L'efficacité économique ne provient plus uniquement de la capacité à fabriquer des produits à moindre coût (la « compétitivité prix » dans le jargon économique). Il s'agit d'être compétitif en se démarquant des concurrents. L' avantage concurrentiel est alors recherché par une meilleure réponse à des demandes diverses, souvent instables et parfois contradictoires, qui émanent des consommateurs, des clients industriels ou des distributeurs.

Roquefort - crédits : SylvainGrandadam/ The Image Bank/ Getty Images

Roquefort

– Le deuxième changement a trait à la différenciation elle-même. Les acteurs économiques se livrent une vive concurrence en combinant deux démarches de différenciation jusque-là plutôt distinctes, voire antagoniques. L'une cherche d'abord à identifier les préférences des consommateurs et à les regrouper en « segments de marché » caractérisés par les mêmes besoins, les mêmes habitudes ou les mêmes comportements d'achat. Elle adapte ensuite les produits aux différents segments ciblés. Cette démarche « marketing », visant une production et une consommation de masse, est traditionnellement adoptée par les grands fabricants industriels (Danone, Nestlé...). L'autre type de différenciation part des produits ; elle vise à mettre en valeur des caractéristiques qualitatives fortement distinctives d'un type de produit ou d'une méthode de production. Les démarches qui mettent en avant la « typicité » ou l'origine géographique des produits[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : économiste, directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (I.N.R.A.)
  • : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre HUIBAN et Egizio VALCESCHINI. ALIMENTATION (Économie et politique alimentaires) - Économie agroalimentaire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Alimentation : les différents secteurs agroalimentaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Alimentation : les différents secteurs agroalimentaires

Alimentation : les entreprises agroalimentaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Alimentation : les entreprises agroalimentaires

Alimentation : taille des entreprises agroalimentaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Alimentation : taille des entreprises agroalimentaires

Autres références

  • CONTRÔLE CENTRAL DE L'APPÉTIT

    • Écrit par Serge LUQUET
    • 5 946 mots
    • 6 médias

    Tous les organismes ont besoin d’un apport en calories qui s’équilibre avec leurs besoins énergétiques pour assurer leur survie. Ainsi des mécanismes sophistiqués et redondants se sont-ils mis en place au cours de l’évolution afin d’optimiser la capacité d’un organisme à s’adapter à ses besoins...

  • CRISES D'ACCÈS À L'ALIMENTATION

    • Écrit par Laurence ROUDART
    • 5 698 mots
    • 6 médias

    Les crises d’accès à l’alimentation constituent l’une des deux grandes catégories des crises alimentaires. Très répandues dans le monde contemporain, elles sont classées en différentes phases selon leur gravité. Leurs causes immédiates sont soit une insuffisance des disponibilités vivrières, soit une...

  • TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES

    • Écrit par Martine FLAMENT
    • 7 265 mots
    • 2 médias

    Les troubles des conduites alimentaires (TCA) regroupent principalement l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie boulimique.

    Les conduites anorexiques sont décrites comme des conduites de restriction alimentaire extrême dès l’Antiquité. Elles revêtent un caractère mystique au Moyen...

  • AGRICULTURE URBAINE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET, Xavier LAUREAU
    • 6 273 mots
    • 8 médias
    Le modèle alimentaire français, que l’on retrouve avec des nuances plus ou moins sensibles dans la plupart des pays industrialisés, a été globalement marqué par un ensemble d’évolutions comparables depuis les années 1990. Les principales sont liées au développement de certains comportements alimentaires :...
  • CHASSEURS-CUEILLEURS (archéologie)

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 727 mots
    • 3 médias

    Que l’on remonte aux premières formes humaines identifiées, il y a près de 7 millions d’années, ou seulement à l’apparition d’Homo sapiens, il y a quelque 300 000 ans, l’humanité a pour l’essentiel vécu de chasse, de pêche et de cueillette. Les premières sociétés agricoles ne...

  • ZOONOSES

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 4 529 mots
    • 4 médias
    ...de décisions et de normes cruciales en matière de santé publique nationale comme internationale. Ce sous-ensemble des zoonoses défini par le lien avec l’alimentation humaine (et animale) évolue sans cesse, comme le montrent l’histoire de la « vache folle » des années 1990 et les poussées de fièvre Ebola....

Voir aussi