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HITLER ADOLF (1889-1945)

L'idéologue et le politique

À partir de 1920, la vie d'Adolf Hitler se confond avec son action politique – sa vie privée, tenue hors des projecteurs, n'eut jamais de réelle épaisseur. Le petit parti auquel il avait adhéré en septembre 1919 prit le nom, l'année suivante, de Parti ouvrier national-socialiste allemand (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, N.S.D.A.P.). Hitler en assuma rapidement la direction et lui imprima des caractéristiques durables, en particulier la violence des propos et l'usage de la force, l'un et l'autre destinés à produire une cohésion interne et à attirer l'attention de l'opinion. Avec ses 50 000 membres et sa formation paramilitaire, la SA (Sturmabteilung, section d'assaut), le parti nazi prit du poids, mais il restait confiné à la Bavière, dont il exploitait les tensions régionalistes avec Berlin.

Adolf Hitler - crédits :  Hulton Archive/ Getty Images

Adolf Hitler

C'est dans ce contexte, et dans le sillage des remous créés par l'occupation franco-belge de la Ruhr, que Hitler se lança, le 8 novembre 1923, dans une tentative de putsch contre le gouvernement bavarois. Ce faux pas lui valut l'emprisonnement dans la forteresse de Landsberg et une condamnation, clémente, à cinq ans de réclusion, abrégée par une libération anticipée à la fin de 1924. En prison, Hitler dicta Mein Kampf (« Mon combat »). À la fois autobiographie stylisée et exposé doctrinal, cet ouvrage frappe à deux égards. D'abord, par l'importance accordée à la démarche politique, pragmatisme inclus, ce qui distinguait Hitler de ses concurrents dans l'extrême droite. L'importance majeure qu'il accordait à l'organisation et à la propagande était un hommage rendu aux méthodes de ses adversaires sociaux-démocrates et communistes. Mais c'était également le reflet de son expérience de jeune catholique. Le mouvement nazi devait être à la fois un parti-armée et un parti-Église, un parti de combat et un parti de croyants et, dans les deux cas, un parti sous la direction d'un homme d'exception.

Ensuite, par la cohérence de l'idéologie qui y est exposée. Largement empruntée au nationalisme « völkisch » (ethno-raciste) d'avant 1914, elle est présentée avec beaucoup de force. Le racisme en constitue la charpente, c'est-à-dire l'idée que la race est le principe explicatif de l'histoire du monde et la pureté raciale le secret de la puissance d'un peuple. De là découle la nécessité, à la fois de l'épuration des éléments « racialement malsains » au sein même du peuple allemand – ainsi les malades mentaux – et de l'élimination des allogènes qui s'y trouvent – les Tsiganes, les Noirs, etc. L'antisémitisme s'inscrit dans ce cadre raciste, il se loge même en son centre. Car Hitler conçoit l'idée d'un antagonisme privilégié, au sein même du combat éternel des races, entre le monde aryen et les Juifs, et cet antagonisme existentiel ne peut prendre que la forme d'une lutte à mort. Plus généralement, la mission qu'il s'assigne est de faire retrouver à l'Allemagne, humiliée par le traité de Versailles, le chemin de la puissance, laquelle s'épanouira dans la création d'un empire en Europe orientale – l'« espace vital » – et dont les conditions préalables devaient être la mobilisation des masses, la prise de contrôle de l'État, la destruction des adversaires et l'épuration raciale de la nation.

Ce corps d'idées avait un caractère totalitaire puisqu'il embrassait la nature, l'histoire et la société. Il incluait, en outre, un horizon apocalyptique qui concernait avant tout le rapport aux Juifs, conçu selon une logique du « eux ou nous ». Enfin, sa réalisation impliquait la rupture avec la civilisation occidentale, façonnée par le christianisme et les Lumières. En plaidant pour que[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire à l'Institut de hautes études internationales, Genève (Suisse)

Classification

Pour citer cet article

Philippe BURRIN. HITLER ADOLF (1889-1945) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Adolf Hitler - crédits :  Hulton Archive/ Getty Images

Adolf Hitler

Défilé nazi, 1933 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Défilé nazi, 1933

Hitler au pouvoir, 1933 - crédits : National Archives

Hitler au pouvoir, 1933

Autres références

  • ACCESSION D'HITLER AU POUVOIR

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 209 mots
    • 1 média

    Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé chancelier, dans la légalité républicaine définie par la Constitution de Weimar. À ce moment-là, son parti, le Parti ouvrier allemand national-socialiste (N.S.D.A.P.) ou Parti « nazi » qui veut tenter, après Mussolini, une synthèse du nationalisme...

  • ACCORDS DE MUNICH

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 214 mots
    • 1 média

    Fidèle à son pangermanisme proclamé, Adolf Hitler réclame avec plus d'insistance que jamais, en septembre 1938, la cession au IIIe Reich du territoire tchécoslovaque sur lequel vit la minorité germanophone des Sudètes. L'Allemagne est prête à la guerre pour obtenir gain de cause. Le...

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par Michel EUDE, Alfred GROSSER
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    ...l'échec du putsch de novembre 1923, se reconstruit. C'est à Munich, en février 1925, que se place la « seconde fondation » du parti, sous la direction de Hitler récemment libéré. Elle ne va pas sans difficultés, sans heurts entre Hitler et les frères Strasser qui accentuent le caractère socialiste et anticapitaliste...
  • ANSCHLUSS (1938)

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 223 mots
    • 1 média

    Parvenu au pouvoir en Allemagne en janvier 1933, Hitler, au nom du pangermanisme, souhaite le rattachement (Anschluss) de l'Autriche au IIIe Reich. En juillet 1934, il soutient ainsi une tentative de coup d'État menée par les nazis autrichiens. Le chancelier autrichien Dollfuss est assassiné,...

  • ARCHITECTURE & ÉTAT AU XXe SIÈCLE

    • Écrit par Anatole KOPP
    • 3 970 mots
    • 3 médias

    L'intervention de l' État dans le domaine de l' architecture ne constitue pas un phénomène nouveau. De tout temps et sous tous les régimes, l'État est intervenu dans la mesure où toute réalisation architecturale met en cause les intérêts de couches de population bien plus larges que celles...

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Voir aussi