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5-31 mai 1988

France. Polémique autour de la libération sanglante des otages d'Ouvéa et recherche de solutions politiques en Nouvelle-Calédonie

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Le 5, treize jours après l'attaque de la brigade de gendarmerie de Fayaoué, sur l'île d'Ouvéa, des militaires et des gendarmes donnent l'assaut à la grotte où les otages ont été enfermés : l'opération, qui dure plusieurs heures, fait dix-neuf morts du côté des indépendantistes, dont Alphonse Dianou, chef présumé du groupe, ainsi que deux militaires membres de la D.G.S.E. Treize autres Mélanésiens sont arrêtés, tandis que les vingt-trois otages sont délivrés, tous sains et saufs. À Paris, les protestations sont nombreuses : près de trois mille personnes manifestent en exprimant leur solidarité avec le F.L.N.K.S., tandis que dans les milieux politiques, à trois jours du second tour de la présidentielle, les conditions de l'assaut et ses conséquences sanglantes suscitent des réserves, exprimées, entre autres, par le chef de l'État, les leaders socialistes, mais aussi par certains représentants de l'U.D.F.

Le 8, le second tour de l'élection présidentielle, qui se déroule dans des conditions moins mauvaises que le premier, donne 90,29 p. 100 des voix à Jacques Chirac. Les abstentions atteignent 38,30 p. 100 des inscrits.

Le 9, le F.L.N.K.S. accuse le gouvernement d'avoir pris la « responsabilité de massacrer dix-neuf Canaques » et conteste la version officielle des faits : des témoins mélanésiens de l'opération affirment que trois des victimes, dont Alphonse Dianou, sont mortes après leur reddition.

Le 12, la nomination auprès de Michel Rocard, nouveau Premier ministre, d'Olivier Stirn comme ministre délégué chargé des D.O.M.-T.O.M. est accueillie, de la part du R.P.C.R., par des réactions mitigées mais le F.L.N.K.S. y voit « un geste d'ouverture ». Michel Rocard déclare, le 13, qu'il faut « reprendre les contacts, s'écouter, se respecter ».

Le 15, une mission de conciliation est chargée de « rétablir le dialogue » sur le territoire. Sous la coordination du préfet Christian Blanc, elle regroupe six personnes, dont trois représentants de l'Église catholique, de la Fédération protestante, et du Grand Orient de France.

Le 19, Jean-Pierre Chevènement, nouveau ministre de la Défense, « rappelle que les militaires ont agi sur la réquisition de l'autorité civile » et refuse de « faire porter le chapeau » à l'armée des conséquences de l'assaut d'Ouvéa.

Le 21, la publication partielle par Le Monde d'un rapport du capitaine Philippe Legorjus, chef du G.I.G.N., met en cause Bernard Pons et le général Jacques Vidal, qui ont envisagé les « solutions les plus inquiétantes » (dont l'épandage de napalm).

Le 22, Michel Rocard promet que le gouvernement fera « toute la lumière », tandis que de nouveaux témoignages assurent que trois Canaques ont été exécutés après s'être rendus.

Le 24, la mission du dialogue reçoit, à Nouméa, Jacques Lafleur, mais elle ne peut s'entretenir avec une délégation du F.L.N.K.S. en raison de la mort, la nuit précédente, d'un Mélanésien tué par un militaire. Le même jour, à Paris, Bernard Pons déclare que la « responsabilité politique » de l'opération est « collective » et demande la publication intégrale du rapport Legorjus.

Le 25, Le Monde publie la totalité du document, tandis que Jacques Chirac affirme qu'il « assume les faits et en revendique la responsabilité ».

Le 30, Jean-Pierre Chevènement reconnaît que « des actes contraire à l'honneur militaire et des négligences ont été commis » lors de l'assaut de la grotte. Il suspend de son commandement le responsable de l'évacuation sanitaire, qui n'aurait pas donné les soins appropriés à Alphonse Dianou. Le soir même, le ministère de la Justice annonce l'ouverture d'une information judiciaire sur les trois morts contestées. François Mitterrand fait savoir, le 31, qu'il « tient » à ce que « toute la vérité » soit faite sur l'affaire.

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