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WEIZSÄCKER VIKTOR VON (1886-1957)

L'œuvre de V. von Weizsäcker est, au même titre que celle de Kurt Goldstein, issue de l'observation neurologique. Elle tend comme telle à l'instauration d'une psychologie centrée sur le sujet vivant, c'est-à-dire vers cette biologie particulière de la conduite qui n'est pas concevable comme un pur domaine d'application de la biologie générale. Cependant, si Goldstein enseigne qu'aucun symptôme psycho-pathologique ne saurait mener à une compréhension concrète des comportements s'il est abordé en dehors du contexte de l'organisme total, von Weizsäcker tente d'élargir le cercle du champ vital du sujet et aboutit à une philosophie du vivant qui fait droit de façon plus explicite à l'ontologie. Cette dernière expression ne suggère toutefois aucune obédience d'école, et si l'auteur du Cycle de la structure (Gestaltkreis, 1933) se réfère à Husserl et à Heidegger, c'est parce que ses analyses débouchent sur des conclusions qui trouvent dans la pensée phénoménologique (et dans ses dérivés existentiels) une épistémologie qui transcende les limites de la cohérence formelle des systèmes. Le cycle de la structure définit, à partir de l'observation et de la description concrètes, les échanges vitaux qui ont alimenté toutes les anciennes spéculations philosophiques sur les relations sujet-objet. Mais loin d'entretenir ou de raviver ce problème sur le plan conceptuel, von Weizsäcker le situe d'emblée au niveau des actes. C'est dire que, selon lui, toute théorie de la subjectivité repose sur l'autonomie de la conscience, considérée non pas comme une entité, mais comme la composante constitutive d'un ensemble englobant nécessairement le percevant et le perçu, le structurant et le pathique. Contrairement à la Gestalttheorie, la forme n'est pas conçue ici comme un ensemble d'émergence qui peut exister et perdurer par lui-même (ce qui revient à élargir simplement l'atomisme psychophysique et le béhaviorisme moléculaire), mais qui résulte de la spontanéité du mouvement. « Tandis qu'un processus physique se déroule de manière identique quels que soient l'élément matériel, le moment ou le lieu, écrit von Weizsäcker, et donc que tout y est interchangeable, il n'y a point dans le biologique cette interchangeabilité parfaite. Chaque opération y est originale, irremplaçable dans le tout comme dans ses parties. » Le sujet est donc origine de changement initiateur et les montages biologiques qui le constituent sous cette forme, ne peuvent donc être démontés en unités réflexologiques partielles. De même, les perceptions ne sont jamais des agrégats, même si l'on inclut dans les structures équilibrées une composante dynamique liée aux seuls segments génératifs de l'objet. Élargissant les principes de la Gestalttheorie, la Gestaltkreis instaure une conception de la totalité dans laquelle le sujet est lui-même inclus au titre d'initiateur et de modulateur expressif. On comprend qu'un tel abord de la subjectivité brise le rapport traditionnel de la polarité sujet-objet ou organisme-milieu. À ces vues compréhensives, qui s'apparentent non seulement à celles de Kurt Goldstein mais aussi à celles d'Erwin Straus, les faits de la pathologie nerveuse apportent de nombreuses confirmations. Mais pour être fidèle à la pensée de von Weizsäcker, il serait plus juste de dire que les faits cliniques ne peuvent être considérés comme de simples « preuves » de la théorie ; ils n'acquièrent en fait leur statut d'indices significatifs qu'en vertu des hypothèses de départ qui rendent possible leur mise en évidence sous la forme de phénomènes biologiques insérés dans le vécu. La psychologie phénoménologique qui se développe actuellement sans obédience directe à l'égard de la philosophie phénoménologique, compte sans[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Louvain, membre de l'Académie royale des sciences et de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Paris

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Pour citer cet article

Georges THINÈS. WEIZSÄCKER VIKTOR VON (1886-1957) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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