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TURENNE HENRI DE LA TOUR D'AUVERGNE vicomte de (1611-1675)

Sans doute le plus grand homme de guerre qu'ait produit la France avant Napoléon. Taciturne et souvent bourru, Turenne cachait mal, sous une apparence de froideur une chaude humanité qui le faisait adorer de ses hommes. Stoïque dans les revers comme réservé dans les victoires, ambitieux uniquement de la gloire, généreux au point de payer ses soldats en puisant dans sa propre fortune, il était désintéressé au point de refuser l'épée de connétable qui lui était offerte sous condition qu'il se convertît au catholicisme, pour s'y convertir quelques années plus tard par conviction et sans nul avantage. Le parallèle entre Turenne et Condé, aussi classique pour les écoliers d'antan que celui entre Corneille et Racine, met en cause la notion même de génie en matière militaire. Turenne n'est pas l'homme des soudaines illuminations sur le champ de bataille, bien qu'à tout prendre il soit plus souvent inspiré comme tacticien que Condé, mais son génie foncier est celui de la stratégie. Homme d'études, il a médité sur tous les grands exemples ; homme de pensée, il conçoit une campagne comme une œuvre d'art et non comme un affrontement. La sûreté de son raisonnement et de sa prévision lui permet de surprendre ses adversaires par la hardiesse réfléchie de ses plans ; comme pour Bonaparte, la bataille est souvent gagnée par lui avant même d'être engagée, grâce à l'envergure et à la précision de la manœuvre préalable.

Deuxième fils du duc de Bouillon, petit-fils de Guillaume d'Orange (le Taciturne) par Élisabeth de Nassau, sa mère, Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, est élevé dans un calvinisme austère et ardent. Dès l'enfance, il manifeste les traits les plus marquants de son caractère ; dès l'adolescence, il montre ce courage qui ne doit rien à une instinctive impétuosité (on se souvient de sa fameuse apostrophe à lui-même : « Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien plus si tu savais où je vais te mener. ») Son père, le jugeant trop fragile de constitution, ne le destinait pas à la carrière des armes, mais le jeune Henri obtient pourtant d'être envoyé auprès de ses oncles de Nassau en Hollande (1625-1629) : il sert d'abord comme simple soldat avant de commander une compagnie. Passé au service de la France, colonel d'un régiment d'infanterie, il débute en s'emparant du fort de la Motte en Lorraine : cette action d'éclat lui vaut un brevet de maréchal de camp. Il participe aux victoires de Saverne, Jussey, Landrecies, Maubeuge, Brisach, à la reddition de Turin. Il est déjà célèbre lorsqu'en 1642, sous les yeux de Louis XIII, il commande l'armée qui faisait la campagne du Roussillon. Le cardinal de Richelieu ne lui tint jamais rigueur de l'attitude de son frère le duc de Bouillon, conspirateur impénitent. Par contre, Mazarin, bien qu'il le nomme maréchal de France pour l'attacher au jeune roi, conçoit quelque méfiance à son égard et l'envoie en Allemagne réorganiser des armées en piteux état. C'est une manière de disgrâce ; au moment de marcher au combat, Turenne est supplanté par Condé qui vient prendre le commandement avec de nouvelles troupes. À la bataille de Fribourg-en-Brisgau, les conceptions du stratège huguenot s'opposent avec raison à l'impétuosité du prince du sang. Après un bain de sang inutile, on doit se rallier aux idées de Turenne, qui remporte encore les victoires de Nördlingen (où Condé le remercie sur le champ de bataille) et de Trèves ; faisant sa liaison avec les Suédois, il est vainqueur à Zusmarshausen, occupe Munich et menace Vienne. Ce qui entraîne la conclusion des traités de Westphalie en 1648.

Turenne est alors fort bien accueilli à la cour, d'autant plus que la Fronde gronde. Pressé de se rallier au mouvement[...]

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