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TROISIÈME VOIE, politique

La « troisième voie » est un objet politique non identifié. Jusqu'à sa résurgence dans le débat des années 1990, la notion de troisième voie renvoyait essentiellement à la vulgate sociale-démocrate en matière socio-économique : une voie étroite entre capitalisme marchand et dirigisme étatique, résumée parfois dans l'expression, d'origine allemande, « économie sociale de marché ». Le terme lui-même n'est d'ailleurs ni nouveau ni éclairant quant à son contenu puisqu'il a été utilisé tour à tour au xxe siècle par des groupes politiques ou des régimes très différents : fascistes dès les années 1920, sociaux-démocrates depuis les années 1950, « communistes réformateurs » dans les années 1960, écologistes dans les années 1970...

Objet de répulsion pour les uns, au nom de la préservation des valeurs traditionnelles de la gauche, ou gage de modernité pour les autres, au nom du dépassement du clivage gauche-droite, elle est soumise à une vigoureuse querelle des intentions depuis son apparition sur la scène politique européenne au milieu des années 1990. Les « nouveaux démocrates » américains, derrière Bill Clinton, en avaient déjà fait l'un de leurs slogans au début des années 1990 : il s'agissait de sortir de l'alternative entre « le réflexe de défense par la gauche des statu quo bureaucratiques et la tendance destructrice de la droite à démanteler l'État » (« The New Progressive Declaration : a political philosophy for the information age », Democratic Leadership Council, Juillet 1996). Mais c'est son identification avec la politique menée par le gouvernement de Tony Blair depuis 1997 qui a cristallisé le débat. Qualifié tour à tour de néo-thatchérien et de social-libéral, notamment en France, le Premier ministre britannique a surpris, séduit ou agacé selon l'utilisation politique que l'on a voulu faire de son action.

Pourtant la troisième voie ne se résume pas à son instrumentalisation idéologique. Elle est aussi une clé d'accès au monde actuel dont les bouleversements économiques, sociaux, culturels, écologiques et scientifiques soulèvent des questions incontournables : quelle mondialisation voulons-nous ? Comment vivre dans la « société du risque » ? Comment préserver notre identité tout en s'ouvrant à la différence ?

Pour Anthony Giddens, le sociologue britannique considéré comme le principal théoricien de la troisième voie contemporaine, le débat critique qui s'est amorcé autour de cette idée peut en effet déboucher sur des réponses novatrices à ces questions. Il en a ainsi posé les jalons en proposant d'échapper à ce qu'il appelle des « modèles dépassés » : d'une part, la social-démocratie telle qu'elle a été mise en place après la Seconde Guerre mondiale – keynésianisme, économie mixte, domination de l'État sur la société civile, État-providence du berceau à la tombe, égalitarisme... – et, de l'autre, le néo-libéralisme tel qu'il s'est développé dans les années 1980 – État minimal, économie de marché sans contraintes, assistance sociale réduite... Et ce au moment même où l'essoufflement des politiques néo-libérales et l'effondrement des systèmes communistes annonçaient la nécessité de reformuler le projet social-démocrate ou réformiste.

Les modèles en question ne paraissent plus adaptés aux évolutions structurelles des sociétés contemporaines : mondialisation des échanges, des cultures et des risques, développement des activités de service, nouvelle révolution technologique, individualisation du social, émancipation des femmes, montée des préoccupations écologiques... Pour y répondre, Giddens veut s'appuyer sur l'approche dite « transnationaliste » en relations internationales (issue des travaux d'auteurs tels que David[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités en science politique à l'université de Nice

Classification

Pour citer cet article

Laurent BOUVET. TROISIÈME VOIE, politique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BLAIR TONY (1953- )

    • Écrit par Jacques LERUEZ
    • 2 382 mots
    • 1 média
    ...qu'en avril 1999 et à un tarif si bas qu'il fera grogner bien des syndicalistes ; il a été fortement revalorisé depuis lors. Cette prudence montre que le blairisme se révèle plus sensible aux craintes des milieux d'affaires, qui redoutaient une disparition massive d'emplois peu qualifiés, qu'aux aspirations...
  • BROWN GORDON (1951- )

    • Écrit par Bertrand LEMONNIER
    • 1 256 mots

    Né le 20 février 1951 à Glasgow, James Gordon Brown a été le Premier ministre du Royaume-Uni du 28 juin 2007 au 11 mai 2010. Il a succédé à Tony Blair, dont il fut l'inamovible chancelier de l'Échiquier. Cette fonction a couronné une brillante carrière au sein du Parti travailliste, en...

  • GIDDENS ANTHONY (1938- )

    • Écrit par Antonin COHEN
    • 886 mots
    ... Critics (2000), Anthony Giddens s'est acquis une très large audience publique et médiatique comme l'un des principaux théoriciens de la « troisième voie » (entre néo-libéralisme et social-démocratie) qui a fait le succès idéologique et électoral de Tony Blair en Grande-Bretagne....
  • ROYAUME-UNI - Histoire

    • Écrit par Universalis, Bertrand LEMONNIER, Roland MARX
    • 43 835 mots
    • 66 médias
    ...repose sur la volonté de mettre en œuvre le programme du Nouveau Travaillisme (New Labour), selon un processus cumulatif de réformes, dans le cadre de la Troisième Voie (The ThirdWay), définie à Brighton à l'automne de 1997 comme une « démocratie sociale modernisée », attachée à la justice sociale,...
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Voir aussi