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ROME TROISIÈME

De même que Byzance, la deuxième Rome, avait supplanté la première lors des invasions barbares, certains écrivains russes du xvie siècle, qui considéraient que l'une et l'autre avaient successivement failli à leur mission de diriger la chrétienté, revendiquèrent pour Moscou, avec le titre de Troisième Rome, le droit de relayer Constantinople dans sa suprématie politique et religieuse. Cette idée prenait tout son sens à l'intérieur des visées messianiques qui se manifestèrent chez les Moscovites à la suite de la chute de Constantinople en 1453, cet événement ayant lui-même mis fin à l'union avec l'Église latine qui avait été décidée au concile de Ferrare-Florence (1438-1439), mais qui, tenue alors par beaucoup pour une trahison de la foi orthodoxe, n'avait été officiellement proclamée à Sainte-Sophie que quelques mois avant la prise de la capitale par les Turcs. La théorie de la Troisième Rome trouva son expression la plus célèbre sous la plume du moine Philothée, de Pskov, au temps de Basile III à qui le pape Léon X devait offrir, en 1519, la couronne royale, en lui promettant un patriarcat indépendant pour Moscou s'il consentait à reconquérir Constantinople, et à qui Philothée écrivait : « Et maintenant sur la terre entière rayonne, plus éblouissante que le soleil, la sainte Église catholique apostolique de la Troisième Nouvelle Rome, votre puissant Empire [...], et il n'y en aura plus une quatrième. »

En fait, Moscou ne revendiqua jamais officiellement la suprématie universelle ; et, dans le domaine ecclésiastique, si elle obtint en 1589 l'élévation de son métropolite au patriarcat, elle dut se contenter de la dernière place, après les autres patriarcats orientaux de Constantinople, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, et ne cessa pas de reconnaître l'autorité du premier. Mais l'idée de la Troisième Rome servit de référence plus ou moins avouée aux efforts des grands-ducs de Moscovie pour asseoir leur prestige, au cours du xvie siècle. C'est ainsi que le titre de « tsar », adopté à l'époque d'Ivan III (1462-1505) et remplaçant celui, plus vague, de césar ou de roi, prit véritablement le sens d'empereur lorsque le grand-duc Ivan IV le Terrible fut, en 1547, solennellement couronné par le métropolite. Aussi le patriarche de Constantinople ne se résigna-t-il à reconnaître ce nouveau titre d'empereur qu'en 1562.

Constamment sous-jacente à mesure que s'étendait le pouvoir de la Moscovie et que s'y développait la vie religieuse, la théorie de la Troisième Rome s'estompa néanmoins avec les réformes de laïcisation de Pierre le Grand (1682-1725). Elle fut cependant restaurée d'une certaine manière, au xixe siècle, par un groupe d'intellectuels russes slavophiles qui s'attachèrent à célébrer la supériorité de la culture slave sur celle de l'Occident.

— Universalis

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Écrit par

  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis. ROME TROISIÈME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MAXIME LE GREC (1480-1556)

    • Écrit par Olivier CLÉMENT
    • 410 mots

    Devenu moine sous le nom de Maxime, ouvert au mouvement de la Renaissance et adversaire du courant « joséphien » de la troisième Rome, Michel Trivolis, né à Arta (Épire), se rendit d'abord en Occident pour s'y former à l'humanisme que les savants byzantins de la génération précédente y avaient...

  • RASKOL

    • Écrit par Olivier CLÉMENT
    • 465 mots

    Mot russe qui signifie « schisme ». On désigne ainsi la cassure qui a divisé la chrétienté russe au xviie siècle, mais d'une manière qui en fait comme l'opposé de la Réforme en Occident : le Raskol est une antiréforme caractérisée par un attachement presque magique aux traditions....

Voir aussi