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TOTALITARISME

Apogée, déclin et renaissance

Dans les années 1950, la notion de « totalitarisme » devient paradigmatique, portée en même temps par la guerre froide et sa formulation théorique proposée par Hannah Arendt. Mais le terme s'applique dès lors presque exclusivement au système soviétique. Le modèle structurel d'analyse élaboré dès 1953 par Carl Joachim Friedrich et son assistant Zbigniew Brzezinski établit six critères pour définir un système totalitaire : une idéologie officielle, un parti de masse unique, des mesures de terreur policière, le monopole des médias, celui des armes et une économie planifiée. Il servira de référence à la politique américaine et de cadre conceptuel à toute une génération de chercheurs en sciences politiques et en histoire pour l'étude de l'U.R.S.S. (Robert Conquest, Merle Fainsod). Dès la fin des années 1960, cependant, cette théorie s'éclipsera, pour des raisons politiques d'abord, scientifiques ensuite, notamment avec le renouvellement des approches et méthodes en histoire sociale. Cette discipline critique ainsi la théorie du totalitarisme comme positiviste, descriptive et anhistorique, située sur une échelle trop générale, conduisant à une vision statique et faussement homogène de l'U.R.S.S. Certains objectent que le statut méthodologique des critères définis par Friedrich et Brzezinski reste flou : leur fonction est-elle de l'ordre de la définition ou de l'idéal-type ? De même, on lui reproche le jugement de valeur inhérent à la thèse du basically alike entre nazisme et communisme.

Dans les années 1990, il y a véritablement renaissance du concept pour l'histoire des idées du xxe siècle, où le totalitarisme devient clé de lecture, et pour l'histoire politique de l'U.R.S.S., où l'idée d'interdépendance entre les systèmes détermine la grille d'interprétation. Pour l'une et l'autre approche, des travaux plus anciens servent de référence, Karl Dietrich Bracher et Hannah Arendt, d'un côté, Ernst Nolte, à l'origine de la « querelle des historiens » (Historikerstreit), de l'autre.

À cette thèse de la linéarité entre communisme et nazisme, défendue par Ernst Nolte, François Furet a opposé celle d'influences réciproques entre des phénomènes comparables mais non identiques. Avec le Livre noir du communisme (1997), Stéphane Courtois pousse la thèse de la symétrie du « génocide de race » et du « génocide de classe » à sa simplification extrême. La question de la comparaison entre ces régimes et celle de l'utilité de la notion de totalitarisme nourrissent toujours les débats historiques. Si la légitimité de la comparaison n'est pas en cause, il convient de s'interroger sur les apports de la notion de totalitarisme.

— Brigitte STUDER

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine, université de Berne

Classification

Pour citer cet article

Brigitte STUDER. TOTALITARISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par Michel EUDE, Alfred GROSSER
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    À l'égard d'un régime totalitaire où un seul parti est autorisé – tous les autres se sont dissous ou ont été supprimés en 1933 – il ne peut exister, semble-t-il, qu'une adhésion ou une opposition totales. En fait, la question est plus complexe et les difficultés en sont apparues après 1945 lorsque les...
  • APARTHEID

    • Écrit par Charles CADOUX, Benoît DUPIN
    • 9 061 mots
    • 8 médias
    À cette conception chrétienne et paternaliste de la séparation des races, appelée parfois « apartheid honorable » (eerbare apartheid), s'est surimposée, à partir des années 1930, une philosophie politique autoritaire, exclusive et agressive, directement inspirée du nazisme. La presse...
  • ARENDT HANNAH (1906-1975)

    • Écrit par Sylvie COURTINE-DENAMY
    • 1 790 mots
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    ...occasion avec Heidegger et Jaspers. De 1946 à 1948, elle occupe un poste de directrice aux éditions Schocken Books, tout en travaillant simultanément à l'ouvrage qui allait la faire connaître en Amérique, Les Origines du totalitarisme, publié en 1951, l'année où elle choisit la citoyenneté américaine....
  • L'ÉTAT DE SIÈGE (mise en scène E. Demarcy-Mota)

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 897 mots
    ...par certains aspects des « moralités » du Moyen Âge et des œuvres « autos sacramentales » du Siècle d’or espagnol. Elle constitue une dénonciation du pouvoir totalitaire et des effets qu’il produit. Elle s’en prend non seulement au franquisme, qui semble à première vue ciblé au regard de la localisation...
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Voir aussi