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FLON SUZANNE (1918-2005)

Actrice française. Née le 28 janvier 1918 au Kremlin-Bicêtre, dans la banlieue parisienne, Suzanne Flon aura connu un destin exceptionnel. Rien en effet ne semblait prédisposer cette enfant d'un père employé aux Chemins de fer et d'une mère brodeuse à devenir comédienne. À dix-sept ans, elle est vendeuse-interprète à Paris, aux magasins du Printemps. Édith Piaf croise son chemin. La chanteuse se prend de sympathie pour Suzanne Flon, et l'engage comme secrétaire. Dès lors, tout s'enchaîne : ami de Piaf et imprésario célèbre, Daniel Marouani la propulse sur la scène pour présenter des numéros de music-hall et interpréter des sketches comiques à L'ABC ou à Bobino à Paris, et en tournée en France. Bientôt, elle joue « une fille à soldats ». dans Le Survivant de Jean-François Noël, mis en scène par Raymond Rouleau. On est en 1943. Le soir de la première, Jean Anouilh est dans la salle. Elle va être l'Ismène de son Antigone, en 1944.

Ce rôle marque le début d'une carrière ininterrompue sur les planches pendant quelque soixante ans. Fidèle à Anouilh (elle le retrouve avec La Sauvage, Roméo et Jeannette et, surtout, L'Alouette), Suzanne Flon triomphe en 1947, en interprétant une prodigieuse Alarica dans Le Mal court de Jacques Audiberti. Elle crée des auteurs aussi différents qu'André Roussin (La Petite Hutte la même année), Philippe Adrien (La Baye, 1967) ou Jean-Claude Brisville (L'Antichambre, en 1991). Elle travaille aussi avec des metteurs en scène de tous styles (Sacha Pitoeff, René Clair, Antoine Bourseiller, Georges Wilson, Maurice Bénichou...). Si elle n'interprète ni Marivaux, ni Racine, elle s'impose dans Shakespeare (La Mégère apprivoisée, La Nuit des rois), Tchekhov (La Cerisaie), Pirandello (Chacun sa vérité), Ionesco (Victimes du devoir), Musset (On ne badine pas avec l'amour avec Gérard Philipe au T.N.P.)... Au mitan des années 1970, Suzanne Flon inaugure une complicité nouvelle avec Loleh Bellon. Cette dernière – qui fut sa doublure dans Antigone – a commencé d'écrire un théâtre rare, intimiste. Suzanne Flon s'en fait l'interprète en demi-teinte, créant coup sur coup Les Dames du jeudi (1976), Changement à vue (1979), Le Cœur sur la main (1982), Une absence (1988) et La Chambre d'amis qui lui vaut, en 1995, son second Molière de la meilleure comédienne. Le premier lui avait été remis pour son interprétation dans Leopold le bien aimé de Jean Sarment, mis en scène par Georges Wilson en 1987.

De quoi la consoler d'un cinéma qui l'avait « moins gâtée », comme elle disait ? Inoubliable partenaire de Jean Gabin dans Un Singe en hiver de Henri Verneuil en 1962, elle ne s'en est pas moins vu décerner la coupe Volpi de la meilleure actrice avec Tu ne tueras point d'Autant-Lara, présenté au festival de Venise en 1961. Et elle a travaillé sous la direction de réalisateurs prestigieux tels que John Huston (Moulin rouge, 1953), Orson Welles (Monsieur Arkadin, 1957 et Le Procès, 1962), Joseph Losey (Monsieur Klein, 1976), ou James Ivory (Quartet, 1981). C'est trois ans après ce dernier film qu'elle entame une fructueuse collaboration avec Jean Becker, commencée avec L'Été meurtrier, poursuivie avec Les Enfants du marais, Un Crime au paradis, Effroyables jardins. Elle trouvera également sa place dans l'univers de Claude Chabrol avec La Fleur du mal (1990), et La Demoiselle d'honneur (2004).

— Didier MÉREUZE

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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