Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ŚRUTI

La tradition hindoue, sous sa forme la plus orthodoxe, classe en deux grandes catégories les textes religieux qu'elle tient pour normatifs : ceux qui relèvent de la Shruti (śruti) et ceux qui appartiennent à la Smriti (smṛti). Ce dernier terme, dont le sens premier est « mémoire », regroupe tous les textes que l'on regarde, certes, comme inspirés par la divinité mais qui restent contingents, dans la mesure où ils sont adaptés aux conditions particulières des temps que nous vivons ; la Shruti, au contraire, est le nom que l'on donne aux Écritures sacrées considérées comme éternelles, non humaines (a-pauruṣeya) et qui, de ce fait, ne peuvent être affectées en rien par les circonstances entourant leur « révélation ». Il faut se rappeler à ce propos que, pour l'hindouisme, l'univers est en perpétuel devenir : né dans la perfection (âge d'or), il se dégrade progressivement jusqu'à disparaître pour renaître ensuite selon la doctrine des cycles cosmiques. Nous vivons actuellement la fin de l'un de ces cycles et notre « âge de fer » requiert des formes de culte adaptées aux conditions spirituellement misérables de notre monde : les textes de Smriti (purânas, tantras, entre autres) enseignent ces formes de culte. Il existe cependant un substrat permanent, invariable, qui transcende le chatoiement des phénomènes : c'est le brahman (l'Absolu, le Principe de toutes choses), dont la manifestation première est une vibration sonore ; non pas seulement un son inarticulé (ce serait le brahman lui-même, l'Absolu non manifesté), mais une Parole (semblable au Logos des Grecs ou au Verbe de la Bible), un discours éternel. Au commencement de chaque cycle cosmique, des individus privilégiés, les rishis (ṛṣi) ont la révélation de cette Parole ; ils entendent ce discours et le transcrivent en langage accessible aux êtres supérieurs, hommes et dieux : c'est la Shruti (dont le sens premier est « audition », puis « Révélation ») ou, comme on la nomme aussi, le Véda (mot qui signifie d'abord la « Science », le « savoir-par-excellence »). Ainsi le terme « shruti » en arrive-t-il à désigner l'ensemble des Écritures révélées sur lesquelles se fonde l'idéologie brahmanique. C'est là du moins la position des écoles les plus orthodoxes, à commencer par le Védânta, dont tous les docteurs, et notamment le plus grand de tous, le Shankara (viiie s.), professent que le seul objet de l'investigation « philosophique » est l'interprétation de la Shruti en termes qui soient accessibles aux hommes d'aujourd'hui.

— Jean VARENNE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. ŚRUTI [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HINDOUISME

    • Écrit par Anne-Marie ESNOUL
    • 9 148 mots
    • 4 médias
    ...de l'apport traditionnel ; simplement, on opère un choix parmi les éléments adoptés. On admet, en principe, l'ensemble des textes de la Révélation ( śruti) tout en mettant l'accent sur un traité qui, le plus souvent, n'y appartient pas, mais n'en devient pas moins le Livre saint par excellence. Ce...
  • LOGIQUE INDIENNE

    • Écrit par Kuno LORENZ
    • 6 569 mots
    ...moyen de connaissance (pramāṇa) est valide a priori selon la Mīmāṁsā puisqu'il s'appuie sur la validité inconditionnelle de la révélation védique ( śruti, la chose entendue), et que cette validité rend effective l'obligation de s'efforcer à préserver le strict mot-à-mot des formules védiques ; mais...
  • RÉVÉLATION

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 3 734 mots
    Dans la tradition hindoue, on regarde comme śruti, révélation (littéralement : « ce qui a été entendu »), les livres védiques (de veda, qui signifie connaissance) : Ṛgveda, Sāmaveda, Yajurveda, Atharvaveda, ainsi que leurs compléments. Ces livres anciens se présentent comme la transcription...
  • SANSKRITES LANGUE & LITTÉRATURE

    • Écrit par Pierre-Sylvain FILLIOZAT
    • 8 955 mots
    • 1 média
    ...étaient parvenus des êtres mythiques qui ne sont plus traités comme auteurs, mais comme ayant reçu une révélation. L'ensemble a reçu le nom de śruti (littéralement « audition »). Il est opposé à la smṛti qui est un ensemble de textes dont on accepte qu'ils aient des auteurs humains...

Voir aussi