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SATURNE, religion romaine

Le culte de Saturne est attesté à Rome depuis la plus haute antiquité et s'est maintenu assez vivace jusqu'à la fin de l'Empire ; mais il n'est pas possible pour autant de cerner avec précision les contours du personnage divin auquel il s'adressait. Son temple, au sud-ouest du Forum, abritait l'aerarium, sorte de coffre-fort public où étaient conservés, sous la responsabilité des questeurs, les objets de bronze propriété de l'État : plaques portant le texte des lois, enseignes militaires, monnaies. Mais aucun document ne nous explique cette localisation.

Ce qui nous est le mieux connu, c'est la fête des saturnales, sorte de carnaval où les hiérarchies sociales et les conventions morales étaient bouleversées : les maîtres s'y mettaient au service de leurs esclaves, et la licence la plus débridée s'y donnait libre cours. À la date du 17 décembre, les saturnales se situaient à égale distance des fêtes de deux grandes divinités agraires : les Consualia, fêtes de Consus (le 15) et les Opalia, fêtes d'Ops, déesse de l'abondance (le 19) ; pur hasard ou articulation consciente du calendrier ? Par une étymologie que les modernes contestent, les Anciens rattachaient le nom de Saturnus à sata, « les semences ». Il se pourrait que ce rapprochement soit le fruit de l'assimilation au Grec Chronos, époux de Rea assimilée à la Latine Ops. De fait, les saturnales ne semblent s'être développées qu'à date assez récente, à la fin du ~ iiie siècle, c'est-à-dire à une époque où les influences grecques s'exerçaient déjà profondément sur la religion romaine.

À l'origine, la fête proprement dite ne dure qu'un jour, le 17 décembre, anniversaire du temple de Saturne : est-ce, comme on l'a dit, une fête du génie caché des profondeurs, incarnation de la force qui envoie d'en bas prospérité aux semailles ? La fête reçoit son organisation définitive en ~ 217 (année de réorganisation religieuse à la suite des désastres d'Hannibal ; époque où se répand le mythe de Saturne, lié ou non à Janus, roi primitif du Latium en un temps de paix, de prospérité, l'âge d'or : la fête sera à l'image de ce règne). Elle comprend un sacrifice, un lectisterne, un festin, des réjouissances populaires ; elle se prolonge jusqu'aux Opalia et se confond avec elles. César augmentera la fête de deux jours, Caligula également ; les Saturnalia dureront du 17 au 23 décembre, se terminant avec les Larentalia, fête des dieux Lares (attachés à chaque foyer). Seuls le 17, le 19, le 21 (Diualia, au solstice d'hiver, fête de Diua Angerona, qui permet le franchissement des passages étroits) et le 23 sont proprement festi, réservés aux dieux, les autres sont simplement feriati, chômés et occasion de réjouissance. La foule se répand dans les rues aux cris rituels de Io ! Saturnalia ! Bona Saturnalia ! Il est d'usage d'échanger invitations et petits cadeaux (à l'origine, ce sont des objets rituels : chandelles de cire, que l'on allumait le soir tombé, et poupées d'argile, ces dernières représentant sans doute d'abord un sacrifice humain simulé). Les hostilités doivent cesser, la justice est en vacance, les prisonniers sont amnistiés, les écoles ferment. Comme sous l'âge d'or où tous les hommes étaient égaux, les saturnales sont censées abolir la distance qui existe entre hommes libres et esclaves : les hommes libres s'abstiennent de porter leur toge, tous, libres et esclaves, portent sur la tête le pileus, bonnet de l'affranchi, symbole de liberté ; dans la maison, les maîtres offrent aux esclaves des dapes (repas rituels : viande rôtie et vin) avant de manger eux-mêmes, à moins de partager fraternellement avec leurs serviteurs un festin ; les esclaves, naturellement, ne travaillent pas[...]

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Pour citer cet article

Jean-Paul BRISSON. SATURNE, religion romaine [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASTROLOGIE

    • Écrit par Jacques HALBRONN
    • 13 311 mots
    ...une influence collective ? Mais, pour qu'un tel cycle existe pour l'humanité, il faudrait que les hommes aient décidé, dans le passé, de s'y conformer. Les saturnales – durant lesquelles maîtres et esclaves changeaient de rôles – perpétuaient l'idée d'un astre déclencheur qui, à certains moments, serait...
  • OGYVIE ÎLE D'

    • Écrit par Marie-Rose MAYEUX
    • 726 mots

    Déjà mentionnée dans Homère (L'Odyssée, XV), l'île d'Ogyvie est le lieu où Plutarque (46 env.-120) place sa société idéale. Son traité De la face qui paraît sur la Lune, que l'on situe entre 75 et 83 à cause de la mention qu'il fait d'une éclipse solaire, est un dialogue...

  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - La religion romaine

    • Écrit par Pierre GRIMAL
    • 7 011 mots
    ...purification des armes (Armilustrium), avec les secondes Equirria. Novembre, à son tour, était dépourvu de fêtes. En décembre, des Consualia de nouveau et surtout les Saturnalia, au cours desquelles la hiérarchie sociale était pour un temps bouleversée, les esclaves prenant la place des maîtres.

Voir aussi