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SANTILLANA ÍÑIGO LÓPEZ DE MENDOZA marquis de (1398-1458)

Un humaniste

Il reste à considérer un autre aspect de Santillana, et non le moindre : son intérêt pour les études, son savoir extraordinairement étendu. Dans le prologue en prose aux Proverbes écrits à la demande de Jean II pour l'instruction de son héritier, l'infant don Enrique, notre auteur fait l'éloge de l' humanisme (il ignorait pourtant le grec, et son latin n'était pas riche), et dans la « Lettre ou préface au connétable de Portugal », qui accompagnait ses poésies, que celui-ci demandait, Santillana ébauche une histoire de la poésie médiévale « avec une ampleur qui ne sera dépassée que bien des siècles plus tard, en faisant le point de tout l'Occident roman : Provençaux, Français, Italiens, Catalans, Galiciens, Portugais et Castillans » (selon Lapesa). Il fit traduire des textes par ses familiers, par ses amis et par les érudits italiens avec lesquels il correspondait : Léonard Bruni dit l'Arétin, Pier Candido Decembri. Grâce à lui, on put lire en castillan la première traduction de L'Iliade selon le texte homérique (quoique non complète, et faite sur la traduction latine, elle laissait bien loin les compilations médiévales en vogue), ainsi que celles du Phédon, de L'Énéide et des Métamorphoses. Paul Orose, saint Basile, Eusèbe, les Évangiles et les Épîtres de la liturgie, ainsi que quelques Italiens (Dante, Boccace, Benvenuto da Imola) furent traduits en espagnol par lui, Quintilien et Plutarque le furent en italien à son intention.

Cela pose la question de son importante bibliothèque : déjà Amador de los Ríos avait établi, sur la base des auteurs cités, le « catalogue » des manuscrits de son palais de Guadalajara. La bibliothèque de son fils, Diego Hurtado de Mendoza, premier duc de l'Infantado, dûment augmentée, devint celle des ducs d'Osuna qui passa presque intégralement à la Bibliothèque nationale de Madrid. On pouvait donc raisonnablement tâcher de reconstituer le fonds original en remontant cette filière, et c'est ce que fit Mario Schiff dans son ouvrage classique sur le sujet. Toutefois, le procédé se révéla insuffisant : Schiff lui-même remarqua l'étrange absence des œuvres de Santillana ainsi que celle de textes dont il avait commandé la traduction (Ovide, tragédies de Sénèque) et, à deux exceptions près, celle de toute la littérature castillane ancienne, si bien connue du marquis. On sait depuis quelques lustres que le poète, dans son testament, ordonna la vente de tous ses livres – sauf une centaine au choix de son héritier : et encore vingt d'entre eux pouvaient être réclamés par son autre fils, l'évêque de Calahorra – pour payer des messes et faire des legs aux églises et aux monastères pour le salut de son âme. Toutefois, on peut admettre que certains ouvrages anciens de la bibliothèque d'Osuna ont appartenu à Santillana, et dans le catalogue de l'exposition organisée en 1958 pour le cinquième centenaire de la mort du poète, quarante-deux des cent soixante-douze manuscrits étaient marqués avec un astérisque comme ayant vraisemblablement fait partie de la collection de ce poète délicat et de ce seigneur accompli que fut le marquis de Santillana.

— Daniel DEVOTO

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, universités de Buenos Aires et de Paris-Sorbonne, directeur de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Daniel DEVOTO. SANTILLANA ÍÑIGO LÓPEZ DE MENDOZA marquis de (1398-1458) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CANCIONEROS

    • Écrit par Madeleine PARDO
    • 1 962 mots
    ...qui appartint à l'interprète de François Ier, le Cancionero de Salvá, de la deuxième moitié du xve siècle, qui renferme des pièces du marquis de Santillana, de Juan de Mena, de Montoro, de Gomez Manrique ; le Cancionero dit de Rennert ou de Garci Sanchez de Badajoz, le Cancionero de Valera, le...

Voir aussi