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SA‘DI (1213?-1291)

Un style d'une « facilité inaccessible »

L'œuvre de Sa‘di se distingue de celle des autres auteurs classiques persans par la simplicité du contenu et le charme du style. Évitant à la fois l'emphase lyrique, les visions abstraites et les contraintes techniques, foisonnantes dans les écrits de ses prédécesseurs, il a le mérite d'avoir donné aux leçons de morale les plus dures la forme expressive et souple de petites anecdotes, pour qu'elles soient à la portée de tout le monde et produisent un impact d'autant plus fort dans l'esprit des lecteurs. L'amour, mystique et bachique, la charité, la discrétion, la défiance, l'humour, la résignation, la convenance, la recherche de la vérité et le besoin du rêve y sont admirablement traités. La variété des thèmes et leur traitement parfois contradictoire ne permettent pas de trouver dans cette œuvre un système moral cohérent. Bien qu'il ait condamné le mensonge dans maints passages, Sa‘di n'hésite pas, par exemple, à soutenir dans la première historiette du Gulistān que « le mensonge opportun est préférable à la vérité qui sème la discorde ».

En dépit de ces contradictions et de quelques autres opinions difficilement recevables pour le lecteur d'aujourd'hui (le poète nie par exemple catégoriquement que l'éducation puisse agir sur les êtres que la nature n'a pas doués), l'œuvre de Sa‘di continue, grâce à un style sobre, élégant, persuasif, à obtenir une audience partout où l'on étudie le persan. Une philosophie pratique se dégage de cette profusion de proverbes et de sentences enchâssés dans des anecdotes : elle considère la modération et la mesure comme les vertus essentielles qui permettent d'atteindre le bonheur, but suprême de la vie. D'autres thèmes concernant les différents aspects de la vie sociale – plus particulièrement la tolérance, la charité et l'amour du prochain – donnent à cette œuvre une valeur humaine et élèvent son auteur au rang des écrivains que l'on peut tenir pour les éducateurs de l'humanité. « On rencontre chez lui », écrit Barbier de Meynard, le traducteur du Boustān, « plus d'un trait qui rappelle la finesse d'Horace, la facilité élégante d'Ovide, la verve railleuse de Rabelais, la bonhomie de La Fontaine. » Il faudrait y ajouter une teinte de mysticisme, qui colore légèrement cette œuvre et lui donne son cachet oriental.

— Mohammad Hassan REZVANIAN

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, professeur de littérature comparée aux universités de Téhéran, traducteur-expert auprès de la cour d'appel de Paris

Classification

Pour citer cet article

Mohammad Hassan REZVANIAN. SA‘DI (1213?-1291) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LYRISME

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Jean-Pierre DIÉNY, Jean-Michel MAULPOIX, Vincent MONTEIL, René SIEFFERT
    • 10 725 mots
    • 2 médias
    Pourtant, la gloire d'Omar Khayyâm est surtout étrangère. Les Iraniens lui préfèrent, presque toujours, Saadi, Attâr ou Hâfez. Saadi, qui vécut au xiie siècle, est très souvent cité, encore aujourd'hui. Que de fois, dans les rues, entre 1950 et 1952, ai-je entendu dire, selon les circonstances,...

Voir aussi