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SA‘DI (1213?-1291)

Parmi les auteurs classiques de l'Iran, il convient de réserver une place à part à Cheikh Sa‘di de Chirāz, dont l'œuvre – en particulier le Gulistān et le Boustān – jouit depuis plus de six siècles d'une très grande popularité non seulement en Iran mais dans d'autres pays de l'Orient comme l'Inde ou la Turquie. C'est aussi par la traduction d'une partie de cette œuvre prestigieuse que l'Occident commença à s'intéresser, vers le milieu du xviie siècle, à la littérature persane et à y trouver des affinités avec les productions littéraires de quelques-uns de ses meilleurs auteurs.

Un grand voyageur

La biographie de Abu Abdul‘lāh Mucharraf od-Din ibn Muslih od-Din, connu sous le nom de plume de Sa‘di, présente certaines lacunes. On apprend à travers son œuvre qu'il naquit à Chirāz, ville à laquelle il resta attaché malgré un long séjour à l'étranger. Issu d'une famille de théologiens, le jeune Sa‘di commence à fréquenter l'école dans sa ville natale, grâce à la sollicitude d'un père cultivé qu'il perd dans son jeune âge. Quelques années plus tard, il gagne Bagdād, où il continue ses études de lettres et de sciences religieuses au célèbre collège Nizāmiyeh, fondé par Nizām ol Mulk, le ministre du sultan saldjukide Alp Arsalān. Il y suit aussi l'enseignement de quelques grands soufis de l'époque, comme Cheikh Chahāb od-Din Sohravardi, Chams‘od-Din Abul Faradj ibn Al Djowzi et Cheikh Abd ol Kadir al Guilani (Djilani), dont l'influence sera certaine dans la formation intellectuelle du jeune étudiant. Après cette longue période d'études, Sa‘di rentre à Chirāz. Mais l'invasion mongole et les bouleversements politiques dont cette ville était alors le théâtre obligent le poète à entreprendre dès 1226 une série de voyages qui le conduisent dans plusieurs pays musulmans. Grand voyageur, doué d'un sens de l'observation très aigu et d'une curiosité sans cesse à l'affût, Sa‘di se met à parcourir tour à tour la Mésopotamie, l'Asie Mineure, la Syrie, l'Égypte et le Hidjāz, se lançant toujours dans de nouvelles aventures. Au cours de ces voyages, il fréquente les « hommes de toutes sortes et de toutes les conditions » et veut acquérir une expérience sans limites. C'est ainsi qu'à la suite d'une caravane il traverse les déserts de l'Arabie pour se rendre à La Mecque (pèlerin infatigable, Sa‘di répétera ce voyage quatorze fois). On le retrouve plus tard à Kāchgar, mêlé à une bande de petits écoliers qui se laissent divertir par ses plaisanteries et ses bons mots. Dans la ville de Soumenāth au Gudjerāt, après avoir gagné la confiance des brahmanes, il s'introduit dans leur temple afin, dit-il, de dévoiler le secret de leur idole la plus vénérée qui chaque matin tendait les bras vers le soleil, grâce au déclenchement d'un astucieux mécanisme ; pris en flagrant délit par un gardien, il l'aurait précipité dans un puits et abattu à coups de pierre. En Syrie, prisonnier des croisés, il est condamné, avec un groupe de Juifs, à creuser des tranchées de fortifications autour de Tripoli. C'est un riche commerçant d'Alep qui lui rend sa liberté en le rachetant dix pièces d'or. Il lui donne sa fille en mariage, moyennant une dot de cent pièces. S'il faut en croire Sa‘di, loin de lui donner satisfaction, cette alliance fut de nature à provoquer le regret de ses jours de captivité.

Quoi qu'il en soit, après trente années passées hors de son pays, il regagne Chirāz, où il se retire dans un ermitage jusqu'à la fin de sa vie, entouré du respect et de l'admiration de ses compatriotes. Assez âgé, riche en souvenirs et en expériences, « ayant glané quelques gerbes à chaque moisson », il se met à écrire.

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, professeur de littérature comparée aux universités de Téhéran, traducteur-expert auprès de la cour d'appel de Paris

Classification

Pour citer cet article

Mohammad Hassan REZVANIAN. SA‘DI (1213?-1291) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LYRISME

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Jean-Pierre DIÉNY, Jean-Michel MAULPOIX, Vincent MONTEIL, René SIEFFERT
    • 10 725 mots
    • 2 médias
    Pourtant, la gloire d'Omar Khayyâm est surtout étrangère. Les Iraniens lui préfèrent, presque toujours, Saadi, Attâr ou Hâfez. Saadi, qui vécut au xiie siècle, est très souvent cité, encore aujourd'hui. Que de fois, dans les rues, entre 1950 et 1952, ai-je entendu dire, selon les circonstances,...

Voir aussi