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RUZANTE (1502 env.-1542)

Les trois étapes d'une seule œuvre

On peut envisager dans la production de Ruzante deux ou, si l'on veut, trois étapes dont la deuxième marquerait l'apogée de son génie. Dans ses premières œuvres : la Pastoral, la Betia, l'Anconitania (que la critique aujourd'hui tend à situer entre 1523 et 1526), l'auteur, encore à la recherche d'une forme, sacrifie au goût de son public aristocratique et cultivé pour l'églogue pastorale ; à l'autre bout, ses deux dernières comédies, la Vaccaria (1533) et la Piovana (1536), empruntent, selon la vogue nouvelle des auteurs grecs et latins, leur intrigue à Plaute. Entre ces deux extrêmes, la Fiorina (1528), le Dialogo facetissimo (1528), et surtout la Moschetta (1528) et les deux Dialoghi in lingua rustica (plus connus sous le nom de II Parlamento de Ruzante et le Bilora), que leur caractère hilarant et grave permet de dater des mêmes années, témoignent d'un art qui, débarrassé des incertitudes et des contraintes, s'adonne librement à retracer la comédie rurale ou citadine de son héros paysan. Ici le dialecte padouan âpre et savoureux s'étale, rehaussé par une intrigue squelettique.

Pourtant, comme le démontre d'une manière convaincante M. Baratto dans sa magistrale étude sur Ruzante, dès le début, avec la Pastoral, tout le projet à venir est en germe. Le monde galant et conventionnel de l'Arcadie s'oppose à la réalité paysanne : la verdeur et la spontanéité des formes populaires du padouan des paysans affadissent les formes doctes et artificielles de l'italien réservées aux nymphes et aux bergers et, par une étrange inversion des valeurs, poussent les manants sur le devant de la scène, tandis que le chœur pastoral parodié s'estompe, frappé d'irréalité. Il en est de même pour les dernières pièces de facture plautienne, où le modèle latin n'est adopté que pour le changer de signe et exprimer ce que le théâtre de Ruzante ne cesse de défendre : l'affirmation de l'univers paysan.

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Écrit par

  • : ingénieur de recherche en littérature générale et comparée à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, traductrice

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Angélique LEVI. RUZANTE (1502 env.-1542) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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